Abrogation du contrat nouvelles embauches

Jean LE GARREC, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, après avoir déposé un rapport visant à abroger le CNE, est intervenu en séance à l’Assemblée nationale le mardi 6 février 2007. Retrouvez ci-dessous son intervention.

Retrouvez le rapport visant à abroger le CNE en cliquant ici.

Le groupe socialiste n’a jamais cessé de s’élever contre le CNE, en particulier à l’occasion de la proposition de loi sur l’insertion des jeunes, déposée par Jean-Marc Ayrault et Gaëtan Gorce. Si nous souhaitons revenir sur ce sujet, c’est que nous sommes maintenant en mesure d’analyser les résultats de ce contrat. En cette période de débats particulièrement vifs, où l’emploi demeure la première préoccupation de nos concitoyens, nous devons savoir où nous en sommes. Nous mettrons aussi cette séance à profit pour connaître les propositions de la majorité, notamment celles du ministre candidat - mais peut-être faut-il parler de « candidat ministre » ?

Déposée le 23 juin 2005, après déclaration d’urgence et sans le moindre travail de préparation au Parlement, la loi d’habilitation a été promulguée le 26 juillet et l’ordonnance créant le CNE le 2 août : l’affaire a été bouclée en un temps record, sans aucun respect pour l’engagement solennellement souscrit par le Gouvernement, en particulier dans la loi du 4 mai 2004, de renvoyer à la négociation interprofessionnelle toute réforme de nature législative touchant le droit du travail. Quel mépris du Parlement et des partenaires sociaux ! Le CNE a été adopté à la hussarde, ce qui ne déplaît certainement pas à M. de Villepin, amateur de telles armes de taille et d’estoc !

Et surtout, le CNE démantèle les droits fondamentaux du travail en précarisant les salariés les plus précaires, c’est-à-dire ceux qui travaillent dans les entreprises comptant moins de vingt salariés, où la représentation syndicale est particulièrement faible. Que comprend en effet le CNE ? Période d’essai de deux ans, licenciement sans motivation, une simple lettre recommandée suffisant, pas d’entretien préalable et enfin préavis réduit à quinze jours.

Selon les premières enquêtes disponibles, 30 % des salariés embauchés en CNE ne travaillaient plus dans l’entreprise concernée au bout de six mois !

Ajoutons que l’ensemble du dispositif est contraire à la convention 158 du Bureau international du travail, qui impose une « période d’essai raisonnable ». Tous ceux qui connaissent le monde de l’entreprise savent bien qu’on n’embauche jamais un salarié sans avoir testé ses qualités et que la période d’essai raisonnable ne dépasse pas trois mois pour un salarié, et six pour un cadre. Il faudrait être un bien piètre chef d’entreprise pour ignorer encore les capacités réelles d’un employé au bout d’un tel délai ! Sur ce point, des recours ont été déposés par les syndicats devant la Cour de justice des Communautés européennes et devant le BIT.

Non seulement le CNE apporte des restrictions exorbitantes aux protections fondamentales dont bénéficient les salariés, mais il n’a surtout en rien amélioré l’emploi. Toutes les études le montrent.

Le Gouvernement se référait à la sécurité des entreprises ; or le CNE les expose à une insécurité juridique totale : au 1er juillet 2006, les conseils de prud’hommes avaient déjà à connaître de 370 litiges. Et chaque semaine, le contentieux enfle, les plaignants se fondant généralement sur la convention du BIT. Même la CAPEB, Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, a demandé à ses mandants de ne pas utiliser le CNE.

Ces réticences ont du reste provoqué une chute brutale du nombre de CNE signés : après un effet d’aubaine, nous sommes passés de 50 000 à environ 20 000 par mois. Et selon la DARES, seuls 6 % des CNE n’auraient pas été signés sous une autre forme juridique.

À raison de 20 000 nouveaux CNE par mois et compte tenu des chiffres de la DARES, le CNE ne devrait permettre de créer que 20 000 emplois en 2007 - et je ne déduis même pas les 30 % de CNE interrompus avant six mois ! Une étude de M. Carcillo le confirme.

Pour un impact marginal sur l’emploi, vous avez donc violé les principes fondamentaux du droit du travail. Je ne peux croire que le Gouvernement n’en soit pas conscient. Faut-il incriminer son imprévoyance ? Son impréparation ?

Ou bien faut-il y voir une indication de ce que deviendra le droit du travail avec cette majorité ? Derrière le CNE se cache un projet...

Pas du tout : c’est le contrat unique qui se profile, ainsi que des abattements supplémentaires sur les heures supplémentaires, dont Pierre Cahuc a pourtant démontré l’inutilité. Derrière le CNE se cache le projet du Medef, qui a inventé ce terme extraordinaire, la « séparabilité », si possible à l’amiable et en tout cas sans protection pour le salarié et sans égards pour les rapports de force.

Une fois encore, vous vous appuyez sur le dogme éternel de la flexibilité et de la réduction des droits des salariés. Nous n’avons pourtant pas vu la couleur des 300 000 emplois promis par Yvon Gattaz, alors président du CNPF, en échange d’un allégement des contraintes pesant sur les entreprises. Il s’agit toujours de laminer les droits des salariés !

Une étude réalisée en Suisse sur l’ensemble des données européennes le démontre bien.

Cette étude sérieuse et impartiale, que je cite dans mon rapport, montre que les indemnités moyennes de licenciement dans les PME sont inférieures en France à ce qu’elles sont en Autriche, en Irlande, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Belgique et en Italie. Selon une deuxième étude, la durée du préavis de licenciement obligatoire est inférieure en France à ce qu’elle est en Autriche, en Italie, aux Pays-Bas et en Belgique. Il faudra bien cesser un jour de remettre en cause, au nom de l’emploi, les droits fondamentaux des salariés.

Les distorsions sociales nous sautent en effet aux yeux : nous détenons le record européen pour le taux de chômage des moins de 25 ans et de non-employabilité des plus de 55 ans. Là est le vrai débat, et il ne sert à rien de le dissimuler sous les formules à l’emporte-pièce du ministre candidat. Je n’accepte pas qu’on parle de trahison des salariés par la gauche : nous avons l’histoire pour nous, et il est trop facile d’en appeler aux grands hommes de la gauche comme Jaurès ou Blum - qui ont mené ces combats toute leur vie - pour faire croire que c’est vous qui avez la réponse ! « C’est extraordinaire, me disait un jour François Mitterrand, comme la droite aime les grands responsables socialistes lorsqu’ils sont morts ».

Parlons donc des vrais débats - je vous ai posé des questions. Échec sur la protection des droits fondamentaux des salariés, échec sur l’emploi, et chèrement payés : c’est ainsi qu’on dégrade la conscience collective d’un pays.

 

> Pour l’abrogation du contrat nouvelles embauches !  
Message déposé le 9 février 2007.  
je lis que la droite n’aurait qu’une vision idéologique concernant l’économie et qu’elle serait tombée dans les bras monstrueux du libéralisme. Je crains alors que l’on peut renvoyer dos à dos madame AUBRY et les gouvernants de droite car elle a été pour le moins un rien idéologique aussi en imposant au fer rouge les 35 heures à toutes (presque toutes) les entreprises. Je suis de gauche, et fier de l’être, mais je préfère mille fois la nouvelle gauche libérale britanique que celle archaique et totalitaire de la France...
> Pour l’abrogation du contrat nouvelles embauches ! Serge Bories
Message déposé le 8 février 2007.  
Jaurès et Blum en particulier ont pu rentrer dans l’histoire à des époques où le social faisait cruellement défaut. Mitterrand a montré que la gauche pouvait rester au pouvoir le temps d’une législature lors d’une période qui suivait les trente glorieuses. Aujourd’hui, la misère touche les plus faibles mais les couches moyennes commencent à essuyer quelques difficultés alors que depuis 1981 la gauche et la droite ont alterné au pouvoir. Nous n’avons pas su empêcher cet affaiblissement d’une partie de la population car nous nous sommes coupés des cages d’escalier. Alors ne soyons pas aveugles comme Louis XVI qui n’a rien vu venir et en a perdu la tête. N’attendons pas qu’une révolution vienne tout détruire et nous offrir je ne sais quelle sorte de régime autoritaire. Il nous faut être courageux pour offrir aux français, en cette période électorale, des perspectives d’avenir qui offrent prioritairement des perspectives aux plus démunis. J’ai animé un débat participatif sur le thème de la lutte contre toutes les violences. Les milieux associatifs et sociaux étaient présents. Il y a urgence à trouver des solutions pour les plus faibles. Si notre développement actuel passe aujourd’hui par la croissance, il faudra apprendre à ne plus tout miser sur le consumérisme qui est un élémént majeur dans la déstabilisation des moins chanceux. Les contrats d’embauche sont au coeur de notre combat. Faisons en sorte que les propositions de notre candidate sache reprendre les pistes de Jean Le Garrec et de l’équipe de Réformer.