Des choses et d'autres

Le 6 mars 2005, Martine AUBRY était l’invitée de l’émission le Grand Rendez-Vous d’Europe 1, avec Jean-Pierre ELKABBACH. Voici le script de cette émission.

Jean-Pierre ELKABBACH : Bonsoir Martine Aubry.

Martine AUBRY : Bonsoir.

Jean-Pierre ELKABBACH : Bienvenue, vous avez raison d’être là au grand rendez-vous d’Europe 1 ce soir avec nous en direct. La campagne du référendum sur la constitution européenne commence, les partisans du oui se mettent en ordre de bataille, Nicolas Sarkozy a fait adopter la motion de l’UMP pour un oui sans ambiguïté et sans réserve. Et la motion adoptée à près de 91 % propose un partenariat privilégié avec la Turquie. Le Parti Socialiste lui avait choisi le oui dans sa majorité. Il paraît s’embrouiller vous nous dirait si on va voir plus nettement son engagement en faveur du oui. Cette semaine en tout cas, vont manifester les femmes - elles ont commencé avec Ni pute ni soumise cette après midi -, les lycéens et avec en plus le mouvement social de jeudi. Et là à l’instant j’ai des éléments d’une déclaration du Premier Ministre Monsieur Raffarin à propos des Jeux Olympiques : il pense que nous obtiendrons les Jeux Olympiques de 2012. Est-ce que vous partagez l’optimiste de Monsieur Raffarin ?

Martine AUBRY : Bien, commençons par un élément consensuel il y en aura peut-être pas beaucoup Monsieur Raffarin a raison, je crois que la candidature de Paris est la plus belle candidature et que tous les Français doivent la soutenir. Moi je suis d’ailleurs avec mon parapluie que m’a offert Bertrand Delanoë pour faire de la pub pour Paris 2012 partout. Le sport c’est la passion, c’est le partage des émotions, c’est comme la culture, ça va être une aventure formidable.

Jean-Pierre ELKABBACH : Donc vous dite que Monsieur Raffarin le dossier de Paris c’est le dossier de la France ?

Martine AUBRY : Voila, c’est le dossier de la France.

Jean-Pierre ELKABBACH : Et alors Jean-Pierre Raffarin ajoute nous obtiendrons les Jeux Olympiques de 2012 en dépit de l’agitation sociale qui lui paraît contraire à l’objectif de la France. Et il a raison aussi ?

Martine AUBRY : Bien, c’est-à-dire que si la politique qu’il menait n’était pas celle qu’il mène il n’y aurait pas d’agitation sociale le jour où le CIO va effectivement venir à Paris. Il aurait peut être fallu faire ce qu’il avait dit qu’il ferait, c’est-à-dire avant de prendre des décisions se concerter, écouter les Français. Au lieu de cela le gouvernement passe en force et du coup les Français sont obligés de faire-part de leurs difficultés, de leurs angoisses dans la rue, voilà.

Jean-Pierre ELKABBACH : On demande si souvent à un gouvernement, ou à tel ou tel ministre, de retirer un projet. On pouvait pas demander aux syndicats de retirer de un jour ou deux leur manifestation, pour avoir éventuellement les Jeux Olympiques 2012 à Paris ?

Martine AUBRY : Je pense qu’on parle de sujets sérieux quand même. Le gouvernement va remettre en cause les 35 heures alors que le chômage explose. Cette manifestation défend le pouvoir d’achat alors qu’il stagne, ce qui est d’ailleurs une des raisons d’une croissance trop faible et avec peu d’emplois. Et puis la réforme de l’école aujourd’hui, eh bien elle ne répond pas à ce qu’attendent les Français.

Jean-Pierre ELKABBACH : Nous allons voir Martine Aubry tous ces dossiers, avec Dominique de Montvallon du "Parisien".

Dominique DE MONTVALLON : Voilà, donc c’est sérieux.

LA CONSTITUTION EUROPEENNE : LE REFERENDUM DU 29 MAI

Jean-Pierre ELKABBACH : C’est tout à fait sérieux. Mais c’est vrai qu’il y a aujourd’hui des liens étranges, entre ce climat social dont vous parliez et le combat pour l’Europe. Est-ce que c’est pas dangereux ? Est-ce qu’il y a un moyen de dissocier les deux ?

Martine AUBRY : Moi, je ne crois pas, je le dis très simplement que les Français mélangeront les deux. Ils savent aujourd’hui - et ils l’ont dit d’ailleurs lors des dernières rencontres électorales - qu’ils ne partagent pas la politique de ce gouvernement, alors que tout explose dans le négatif si je puis dire : le chômage, le nombre de RMI, la dette publique. C’est dramatique.

Jean-Pierre ELKABBACH : Et ça vous attriste tout ça naturellement.

Martine AUBRY : Oui, oui.

Jean-Pierre ELKABBACH : Ou vous dites que c’est un bon instrument pour imprimer ce gouvernement là ?

Martine AUBRY : Non, jamais personne peut dire quand ton pays va mal, tu es content, non ça c’est pas possible. Donc voilà ce qui est en train de se passer, d’un côté les services publics - une des forces, un des atouts de la France - sont en train d’être remis en cause, et puis de l’autre côté il y a l’Europe. Et je crois que de plus en plus de français et pas seulement les jeunes, ils savent que l’Europe c’est notre avenir et que s’il faut sanctionner le gouvernement - et il le faut -, le rendez-vous c’est en 2007 et que nous, si nous venons en 2007, nous aurons besoin d’une Europe en marche pour faire justement une autre politique.

Jean-Pierre ELKABBACH : Dominique de Montvallon.

Dominique DE MONTVALLON : Martine Aubry, est-ce qu’on peut manifester, appeler à manifester, se solidariser avec les manifestants et voter oui au référendum. Dans la mesure où beaucoup de manifestants disent c’est la faute à l’Europe, et par exemple c’est la faute à l’Europe si les services publics remplissent de moins en moins bien leur rôle en milieu rural. Je fais allusion à la manifestation de Gueret hier dans la Creuse.

Jean-Pierre ELKABBACH : Et justement des manifestations, des manifestants de Gueret, Martine Aubry, ont cru utile de lancer des œufs sur la direction...

Martine AUBRY : Et des boules de neige, oui, c’est plus sympathique.

Dominique de MONTAVALLON : Et des boules de neige sur le numéro un du PS. Est-ce que certains de ces oeufs ou de ces boules de neige vous les avez sentis aussi pour vous ?

Martine AUBRY : Non.

Dominique DE MONTVALLON : Pardon, c’était pour Hollande, le PS.

Martine AUBRY : Non, mais François Hollande a bien réagit, je les reçois comme lui si vous voulez. Mais Monsieur de Montvallon, si je vous écoutais ça voudrait dire...

Dominique DE MONTVALLON : C’est une question.

Martine AUBRY : Le gouvernement fait une mauvaise politique. Les Français on le voit bien dans tous les domaines sont extrêmement inquiets, il n’y a pas qu’eux d’ailleurs, les entreprises vous avez vu le moral baisse en ce début janvier. Le chômage vient d’atteindre les 10 %, les gens ont du mal, enfin il faut quand même voir derrière, avec les fins de mois, avec le pouvoir d’achat qui stagne, tous les prélèvements qui augmentent, on vient d’ailleurs d’entendre que la redevance pourrait aussi augmenter.

Jean-Pierre ELKABBACH : On nous a dit non. Jean-François Coppé a dit il n’en est pas question.

Martine AUBRY : On va voir. Oui mais vous savez ça change parfois, le coût de la santé qui augmente, le logement n’en parlons pas. Donc voilà, ça c’est ce que vivent les Français. Sur les territoires, les services publics s’en vont, c’est une des forces de notre pays. Alors il faudrait arrêter de dire ça au gouvernement, tout cela pour éviter que certaines personnes fassent une confusion. Moi, je crois que les Français sont beaucoup plus matures que cela. Je crois qu’ils savent la vérité des choses et si vous permettez je vais prendre l’exemple de Gueret. A Gueret, comme dans beaucoup, beaucoup de territoires ruraux aujourd’hui, on supprime ce qui fait qu’un territoire va se développer, c’est-à-dire la présence des services publics, je pense à la Poste, je pense aux chemins de fer, tout ce qui fait qu’il y a effectivement un certain nombre de services vis-à-vis du public : les écoles, les perceptions, etc. Et qui fait cela ? C’est ce gouvernement.

Dominique DE MONTVALLON : C’est pas l’Europe, l’Europe ne le demande pas.

Martine AUBRY : Non seulement c’est pas l’Europe, mais cela...

Dominique DE MONTVALLON : Mais par exemple l’ouverture de la concurrence à la Poste, c’est une réforme importante.

Martine AUBRY : Attendez. Est-ce que je peux terminer un instant. Non seulement ce n’est pas l’Europe qui le fait, mais c’est fait avant cette constitution qui justement pour la première fois accepte de reconnaître que des services publics peuvent exister dans des pays, c’est-à-dire que des états peuvent financer complètement des services publics sans rentrer dans les règles de la concurrence européenne.

Jean-Pierre ELKABBACH : On applique des objectifs d’autre fois, d’autres objectifs.

Martine AUBRY : D’autrefois, mais c’est justement très paradoxal de dire non a une constitution qui justement permettra d’avoir des services publics forts et c’est aussi dédouaner un gouvernement qui aujourd’hui abandonne les territoires ruraux, supprime la péréquation hospitalière, bref une politique inégalitaire sur les territoires.

Dominique DE MONTVALLON : Il y avait à Gueret, parce qu’il y a beaucoup de questions à vous poser avec Dominique de Montvallon, il y avait à Gueret toute l’Extrême Gauche et le Parti Communiste, Marie Georges Buffet en tête. Mais le défilé a été organisé par des élus socialistes partisans du non. Alors, est-ce que...

Martine AUBRY : Non, pas partisans du non.

Dominique DE MONTVALLON : Alors partisans du oui, les partisans du oui ils organisent une manifestation donc on peut dire oui à l’Europe, et oui à toutes les manifestations et à un climat de tension sociale ?

Martine AUBRY : Encore une fois je ne vois pas le rapport, les Français il ne faut pas les prendre pour des gens non matures, ils savent aujourd’hui qu’on a besoin de l’Europe demain si on veut justement éviter ce libéralisme à tout crin, parce que le modèle qui vise à supprimer les services publics, c’est le modèle américain, où il n’y a qu’un système de santé où 40 millions de gens ne peuvent pas se faire soigner. Ils en veulent pas de ça, ils veulent d’un modèle effectivement européen, et ils savent que si la Gauche revient au pouvoir en 2007, c’est à ce rendez-vous là qu’ils diront qu’ils ne veulent plus de cette politique libérale. Eh bien il nous faudra une Europe avec son modèle justement pour nous affronter au modèle américain.

Dominique DE MONTVALLON : Attendez, Tony Blair, les Allemands socio-démocrates, d’autres pays européens socio-démocrates appliquent une politique libérale.

Martine AUBRY : Ils votent oui à la constitution.

Dominique DE MONTVALLON : Ils ont choisi une politique et un modèle libéral pour l’Europe, c’est ça ?

Martine AUBRY : Mais je n’ai pas dis ça.

Dominique DE MONTVALLON : Non, mais enfin vous avez dit : "Heureusement si nous gagnons en 2007 etc, nous amènerons une autre politique qui ne serait pas une politique libérale". Ca veut dire qu’aujourd’hui, et dans le projet de la constitution, y compris ces gouvernements de l’Europe qui ne sont pas de droite à la mode Raffarin, comme vous dites, eux sont des gouvernements qui ne sont pas libéraux ? Ou vous les accusez d’être aussi libéraux ?

Martine AUBRY : Non, aujourd’hui la majorité des pays, d’ailleurs la majorité au Parlement Européen, c’est une majorité libérale, et non, je le regrette, sociale ou de gauche.

Dominique DE MONTVALLON : C’est-à-dire voulu par les électeurs librement ?

Martine AUBRY : Voilà, et je regrette d’ailleurs que lorsque nous étions douze gouvernements sociaux démocrates, socialistes, et de gauche à la tête de l’Europe, nous n’ayons pas fait plus avancer l’Europe politique, et l’Europe sociale. Le Portugal vient, après l’Espagne, de choisir des gouvernements de gauche. Il nous faudra une constitution qui nous permette cette Europe avec une charte des droits fondamentaux, cette Europe qui reconnaît enfin les services publics, cette Europe plus démocratique, pour qu’en 2007 si nous gagnons les élections avec nos amis de gauche en Europe, nous construisons une Europe plus politique et plus sociale.

Dominique DE MONTVALLON : Alors par exemple à Olivier Besancenot, et à Marie George Buffet vous dites qu’ils manifestaient hier, l’Europe avec la constitution elle sera pas libérale, ou elle permettra de lutter contre la détérioration des services publics, contrairement à ce qu’ils croient.

Martine AUBRY : Voilà, et moi, contrairement à ce qu’ils disent, parce que je pense qu’ils savent lire, et donc je pense pas qu’ils le croient. Pour la première fois, ça je crois que tout le monde le dit, non seulement il n’y a aucun recul dans cette constitution, mais il n’y a que des avancées. Et moi personnellement vous savez je préfère être dedans, me battre pour que ça avance plus vite, plutôt que d’être dehors dans une espèce d’impuissance en disant : "Tant que l’Europe ne sera pas celle dont je rêve, et bien je reste à l’extérieur". Eh bien c’est ce que nous faisons en étant dedans, voilà.

Jean-Pierre ELKABBACH : Martine Aubry, permettez-moi d’insister, il y a des sentiers européens à gauche et à droite mais il y a aussi des européens sincères et je pensais d’abord à ceux qui votent à gauche qui se posent des questions sur les orientations libérales ou, disent-ils pour certains d’entre eux, ultra libérale de l’Europe. Ils font partie de ceux, on le voit dans les sondages qui aujourd’hui hésite ils disent : "Je sais pas encore très bien de quel côté je vais voter, je vais peut être m’abstenir". Qu’est-ce que vous avez envie de leur dire aujourd’hui à ceux-là ?

Martine AUBRY : Mais vous avez totalement raison, et je crois qu’on a trois mois et je suis très heureuse qu’on ait ces trois mois du choix de la date du référendum le 29 mai.

Jean-Pierre ELKABBACH : Le 29 mai c’est une bonne date ?

Martine AUBRY : Oui parce que ça va donner le temps d’un vrai débat démocratique. Dans le fond comme nous l’avons eu au Parti Socialiste où 100 000 militants pratiquement ont voté et après 60 % pour la constitution et nous sommes tous européens. Eh bien, oui, ça va nous laisser le temps d’expliquer la vérité des faits, c’est-à-dire, un, il n’y a aucun recul, deux, il y a des avancés considérables la charte des droits sociaux fondamentaux, signifie que demain le juge européen devra prendre en compte une plainte venant de n’importe citoyen européen qui dira : "Mon droit de grève, mon droit syndical n’est pas aujourd’hui respecté". Comme je le disais tout à l’heure, sur les services publics c’est majeur. Je crois que le modèle européen contrairement au modèle libéral, c’est de donner à chacun l’accès aux droits fondamentaux - l’éducation, la santé, le logement - et au territoire des infrastructures pour se développer. Ca, ce sont les services publics et c’est vrai que si nous n’avons pas cette constitution, nous risquons de voir continuer ce qu’est aujourd’hui le risque en Europe, je suis d’accord avec ça, la libéralisation dans tous les domaines, comme la directive Baukelsteim, par exemple, sur les services l’avait prévu, permettant par exemple que des entreprises qui sont installées, mettons, en Pologne puissent rémunérer sur le sol français leurs salariés aux salaires polonais.

On nous dit que cela va être vu tant mieux, en tout cas avec cette constitution nous aurons plus de moyens de combattre cela. Et puis ce sera une constitution beaucoup plus démocratique avec des pouvoirs pour le Parlement tout à fait majeurs, qui va d’ailleurs désigner le président de la commission, et pour moi je vais vous dire quelque chose d’extrêmement important, je crois que dans un monde où c’est la loi du plus fort qui gagne et la violence qui répond, où le marché est incapable de bien répartir les richesses - c’est vrai dans notre pays, c’est vrai dans le monde, regardez les rapports Nord-Sud - à un moment où on a besoin de défendre la paix de manière multilatérale en ne laissant pas les Etats-Unis seuls bafouer l’ONU, bafouer les règles des droits de l’homme, on a besoin d’une Europe qui dans le monde soit forte, influente et explique que l’ordre ne marche qu’avec la justice et que si...

Jean-Pierre ELKABBACH : Et tout ça, on va y revenir, mais tout ça on le trouve dans la constitution, est-ce que vous ne...

Martine AUBRY : Non, non...

Jean-Pierre ELKABBACH : C’est pas une constitution rêvée ?

Dominique DE MONTVALLON : Oui une constitution rêvée, oui et une illusion aussi.

Martine AUBRY : Les points dont j’ai parlé, la charte des droits fondamentaux, les services publics, le ministre des affaires étrangères, le début d’une défense européenne, c’est écrit, voilà. Deuxièmement, s’il n’y a pas ça l’Europe va s’arrêter, et si l’Europe s’arrête, eh bien c’est la poursuite du modèle libéral dans tous les domaines. Et moi, vous savez...

Jean-Pierre ELKABBACH : Mais alors expliquez-nous comment des tas de gens, Madame Buffet avec le Parti Communiste, elle était ministre dans le même gouvernement que vous sous Lionel Jospin. Elle a accepté un certain nombre de choses de cette Europe là, que vous décrivez comme une mauvaise Europe, elle, libérale, et qu’aujourd’hui elle n’accepte pas d’entraîner ce qui lui reste de troupe vers ou l’abstention ou le oui.

Martine AUBRY : L’Europe n’a jamais été un long fleuve tranquille. Les hommes qui ont construit l’Europe, de Jean Monnet à Mitterrand et Khol un socialiste et un libéral mais profondément européens et permettez-moi de le dire en passant par mon père, Jacques Delors, vous croyez que ça c’est fait facilement ? Non. Mais ces hommes parce qu’ils croient que le modèle européen, c’est-à-dire la volonté qu’ont des hommes et des femmes de construire une société qui soit à la fois plus juste, plus efficace et plus influente, une société où ce sont les rapports de droits qui créaient la réalité, et non pas comme aujourd’hui la violence que ce soit en Iraq, ou à côté de chez nous, eh bien ces hommes ont construit l’Europe, c’est pas facile, mais il faut être dedans, et il faut se battre. Si nous votons contre cette constitution, d’abord nous nous privons d’outils majeurs, et deuxièmement nous arrêtons l’Europe. Alors ça, c’est formidable. Nous faisons plaisir à tous ceux qui pensent que les Etats-Unis peuvent régler tout seul le monde et tous ceux qui souhaitent combattre les Etats-Unis par la violence, intégrisme de tous poils, voilà, et nous vivrons dans une instabilité pendant que se poursuivra, et là je voudrais en dire un mot, quelque chose qui me préoccupe vraiment, et qui préoccupe beaucoup de chefs d’entreprises aussi, c’est cette dérive vers la financiarisation de notre économie.

Vous savez aujourd’hui que dans la plupart des pays développés, et particulièrement en France, la plupart des richesses vont vers les actionnaires et non pas vers les salaires. Et Lionel Jospin, par la politique de redistribution qu’il avait mis en place, avait permis qu’avec un taux de croissance de 3 %, la part qui allait vers les salaires réels - c’est-à-dire après le paiement des impôts, etc - soit de 4,5 % par an pour les salariés. Aujourd’hui, avec 1,5 % de croissance, c’est pas beaucoup...

Dominique DE MONTVALLON : Alors qu’est-ce que vous faites ? Qu’est-ce que recommanderez dans votre projet, qu’est-ce que vous recommanderez ?

Martine AUBRY : Il n’y a que 0,5 % voilà qui va vers les salaires.

Dominique DE MONTVALLON : On ne peut pas dire non plus comme le répète d’ailleurs régulièrement Patrick Devedjian et d’autres qu’il faudrait que les entreprises aient de mauvais résultats, ce serait dur.

Martine AUBRY : Non, mais attendez, ce n’est pas du tout ce que je suis en train de dire. Je suis en train de vous dire que quand il y a des résultats...

Dominique DE MONTVALLON : Qu’est-ce qu’on en fait ? Et comment on partage ?

Martine AUBRY : Et je ne suis pas la seule à le dire aujourd’hui, il faut bien évidement rémunérer les capitaux, il faut que les salaires permettent qu’il y ait un pouvoir d’achat, et une valorisation du travail, autrement ne parlons pas des valorisations du travail, et il faut surtout que cet argent qui va vers les actionnaires au lieu d’aller vers les profits, aille vers l’investissement. C’est pas moi qui le dit, Monsieur Artus à la Caisse des Dépôts et Consignations dit il y a quelques jours : "L’angoisse qu’on peut avoir aujourd’hui c’est que même le capitalisme est en train de se tuer, parce que ce capitalisme n’a plus de projets".

On n’investit plus dans la recherche, on n’investit plus dans les nouveaux produits, on n’investit plus dans les marchés, c’est la remontée - et vous avez qu’à regarder tous les jours ont nous parle du CAC 40 et du taux de l’action -, c’est la remontée qui est trop importante, rendement de 15 % des capitaux.

Jean-Pierre ELKABBACH : Qu’est-ce qu’on fait ? Qu’est-ce qu’il faut faire, quelle est la proposition ce soir de Martine Aubry ?

Martine AUBRY : Et bien la proposition, et je dois dire que nous le faisons déjà, c’est de travailler avec un certain nombre de chefs d’entreprises qui disent aujourd’hui : "Il faut arriver à faire comprendre que si nous continuons comme ça, nous allons au mur", c’est-à-dire que pour enrichir quelques-uns uns aujourd’hui, nous ne préparons pas l’avenir. L’avenir, c’est la recherche, c’est les produits.

Jean-Pierre ELKABBACH : Alors, qu’est-ce que vous proposez ce soir avec les chefs d’entreprises qui sont un peu dans cette même mouvance ?

Martine AUBRY : Oui, nous proposons de réfléchir.

Dominique DE MONTVALLON : Ca rassure. Vous nous faites plaisir, vous allez faire des propositions.

Martine AUBRY : Oui, on va faire des propositions. Il faudrait d’ailleurs que l’Etat en fasse. Le gouvernement s’était engagé à mettre 2 milliards d’euros sur la table, 20 milliards d’euros sur la table de la recherche, on l’attend toujours. Alors ça aussi c’est préparer l’avenir. Quand aujourd’hui y compris les économistes libéraux disent que les entreprises n’investissent pas parce qu’il y a trop d’argent qui va vers les actionnaires, ça pose des questions à tout le monde, à tout le monde, et ces questions là l’Europe doit se les poser, et quand on décide de faire un gouvernement économique face à la Banque Centrale Européenne comme c’est le cas dans le projet de constitution, c’est une première réponse qui effectivement s’impose.

Jean-Pierre ELKABBACH : Et en plus quand les actionnaires sont souvent d’origine étrangère ou américaine.

Martine AUBRY : Voilà, et c’est très important en France puisque plus de la moitié sont à l’étranger alors qu’aux Etats-Unis il y a beaucoup de petits porteurs, au moins eux quand ils reçoivent les revenus de leurs actions, ils peuvent consommer et alimenter la croissance.

Jean-Pierre ELKABBACH : Vous venez, Martine Aubry, devant Dominique de Montvallon et moi, de faire un hymne à l’Europe. Est-ce que vous le faites devant Laurent Fabius ? Et pourquoi vous n’avez pas plus de chance qu’avec certains d’entre nous ?

Martine AUBRY : Je crois que Laurent Fabius, il sait, il sait, il a tout entendu et je dirais qu’aujourd’hui, moi je le dis très simplement ce n’est pas mon problème. Nous avons trois mois aujourd’hui pour expliquer aux Français déboussolés, qui ont peur de l’avenir, qui sont angoissés, qui voient que dans le monde tout va mal, et ce qui se passe en Irak aujourd’hui...

Dominique DE MONTVALLON : On mélange pas. On va y venir. On va y arriver. Ca ne sert à rien de tout dire en même temps... Il faut classer...

Martine AUBRY : Mais la réponse, c’est aussi l’Europe. Eh bien il nous reste trois mois pour leur expliquer que nous aurons besoin de l’Europe en 2007 pour changer de politique. Voilà, eh bien moi c’est ça qui m’intéresse, c’est de parler avec les Français, c’est de les comprendre. C’est d’avoir un débat.

Jean-Pierre ELKABBACH : Mais comment les Français peuvent-ils être convaincus que s’il y avait alternance en 2007, la Gauche se réunit, qu’elle serait unie, qu’elle appliquerait la politique qu’elle aurait décidé d’une manière majoritaire alors qu’il y a tellement de gens qui ont fait campagne par exemple pour le non et qui continuent à vouloir faire campagne pendant les jours qui viennent pour le non.

Martine AUBRY : Ecoutez, je pense que, voilà...

Jean-Pierre ELKABBACH : Mais comment vous pouvez être crue, on se dit que...

Martine AUBRY : Mais Monsieur Elkabbach...

Jean-Pierre ELKABBACH : Si vous arrivez au pouvoir il y aura toujours des divergences...

Martine AUBRY : Monsieur Elkabbach, est-ce que quelqu’un aujourd’hui doute qu’à gauche quelqu’un ne soit pas Européen ? Moi je crois que ce qui est beaucoup plus grave aujourd’hui pour les Français qui pourraient se poser des questions, c’est de voir que dans la majorité actuelle il y a une crise terrible entre Chirac d’un coté et Sarkozy de l’autre, Raffarin qui ne sait plus où il se situe. Les sujets, les voilà. C’est eux qui sont au pouvoir, c’est eux qui posent problème aujourd’hui, vous inquiétez pas pour nous. Quand en 2007...

Jean-Pierre ELKABBACH : Donc on ne s’inquiète pas tant que vous n’êtes pas au pouvoir...

Martine AUBRY : Voilà.

Jean-Pierre ELKABBACH : Mais c’est dans la perspective...

Martine AUBRY : Oui, mais en fin vous, voyez...

Jean-Pierre ELKABBACH : De votre arrivée éventuelle au pouvoir...

Martine AUBRY : La situation actuelle...

Jean-Pierre ELKABBACH : Qu’on se dise sans déviation qu’est-ce que vous ferez et qu’est que vous faites pour éviter qui est là...

Dominique DE MONTVALLON : Qu’est-ce que vous ferez pour Henri Emmanuelli par exemple, prenons un cas précis...

Martine AUBRY : Oui, attendez...

Dominique DE MONTVALLON : Alors, Emmanuelli c’est un ténor du PS.

Martine AUBRY : Je voudrais redire une chose...

Dominique DE MONTVALLON : Henri Emmanuelli est pour le non...

Martine AUBRY : Extrêmement simple, Henri Emmanuelli comme beaucoup d’autres ont demandé et nous sommes dans le seul parti démocratique qui a fait un référendum...

Jean-Pierre ELKABBACH : Oui.

Martine AUBRY : Il l’a demandé un des premiers, il a eu lieu. Dans ce parti démocratique une grande campagne a eu lieu digne, vraiment très, très digne et où nous sommes allés au fond des choses. 60 % des militants on choisit, Henri Emmanuelli qui est un grand socialiste, qui a été premier secrétaire du Parti Socialiste, il aurait du comme les autres être garant du résultat des militants. Il fait un autre choix, je dirais que c’est son problème, moi aujourd’hui...

Jean-Pierre ELKABBACH : C’est une aventure personnelle...

Martine AUBRY : Non.

Dominique DE MONTVALLON : Mais pourquoi vous dîtes à chaque fois, c’est le problème de Laurent Fabius, c’est le problème d’Emmanuelli...

Martine AUBRY : Parce que...

Dominique DE MONTVALLON : C’est le problème peut être de Melanchon. Je ne vous poserai pas de question sur lui.

Martine AUBRY : Il y a des choses beaucoup plus graves aujourd’hui...

Dominique DE MONTVALLON : Mais je suis d’accord, mais...

Martine AUBRY : Pour la France.

Dominique DE MONTVALLON : Il perturbe peut être la voie qui pouvait être majoritaire...

Martine AUBRY : Mais je suis bien d’accord avec vous...

Dominique DE MONTVALLON : D’un parti qui...

Martine AUBRY : Que ce soit perturbant...

Dominique DE MONTVALLON : Qui veut arriver au pouvoir au gouvernement.

Martine AUBRY : C’est une chose que ça nous enlève la moindre énergie et la moindre détermination à convaincre les Français qui aujourd’hui d’ailleurs sont convaincus qu’il faut continuer à faire avancer l’Europe et que cette constitution permettra de le faire, qu’il vaut mieux être dedans pour se battre avec nos amis de gauche quand nous serons majoritaires et je l’espère en Europe plutôt que d’être les bras ballants dans l’impuissance, ils n’aiment pas l’impuissance en politique les Français, ils veulent des politiques qui rentrent dedans et je me bats, voilà, et bien il nous reste trois mois pour leur expliquer la réalité des faits pour ceux qui ne l’ont pas encore compris mais je crois que beaucoup l’on déjà compris et moi je suis convaincu qu’ils ne feront pas le mélange avec le gouvernement, qu’ils veulent sans doute sanctionner par ailleurs, et qu’ils se dirigeront vers l’Europe, voilà.

Jean-Pierre ELKABBACH : Mais vous pensez qu’on peut éviter de leur donner l’occasion de sanctionner le gouvernement Raffarin et probablement Jacques Chirac, le 29 mai ?

Martine AUBRY : Oui.

Jean-Pierre ELKABBACH : Qu’on prenne les problèmes étapes par étapes.

Martine AUBRY : Vous savez, il y a quelques jours Monsieur Rasmussen qui est le Président du Parti Socialiste Européen, ancien Premier Ministre du Danemark, un homme très important, un très grand européen, il est venu à Lille justement pour une réunion sur la constitution et il a dit soyez rassurés les Danois vont voter oui avec un enthousiasme à l’Europe, ils ne votent pas pour Monsieur Chirac, et pour sa politique, et bien de la même manière aujourd’hui nous ne répondons pas à Monsieur Chirac, nous répondons à l’Europe.

Jean-Pierre ELKABBACH : Quelle est ce soir votre intuition, Martine Aubry ? Le oui l’emportera ?

Martine AUBRY : Mon intuition, c’est que le oui l’emportera. Oui, parce que je crois que les Français sont trop inquiets de l’avancée du monde, qu’ils regardent, qu’ils travaillent, certains même pendant que nous faisions notre campagne disaient alors quand est-ce qu’on vote ? Parce qu’ils ont suivi la campagne du Parti Socialiste et puis les jeunes, les jeunes l’Europe c’est leur contrée, ils voient bien aussi que le modèle qui est celui des Etats-Unis aujourd’hui, qui s’assoit quand même sur l’ONU, sur toutes les règles d’après guerre, vous savez, on a 60 ans de paix, 60 ans de paix qu’on fête d’ailleurs cette année à léguer à nos enfants, à nos petits enfants, on n’a pas le droit d’arrêter l’Europe...

Jean-Pierre ELKABBACH : Vous nous dîtes le Parti Socialiste et vous, vous allez dire oui sans réserve, sans ambiguïté comme tout à l’heure Nicolas Sarkozy et en l’occurrence et pour l’Europe on entend du coté du centre et de la droite, de Monsieur Chirac, Sarkozy, Raffarin, Bayrou à peu près le même type d’arguments, on peut dire que momentanément et dans l’intérêt de l’Europe tant mieux ou tant pis.

Martine AUBRY : Ecoutez, chacun fait sa campagne...

Jean-Pierre ELKABBACH : Et même s’il y a des croisements ou des ressemblances ?

Martine AUBRY : Chacun fait sa campagne. L’Europe c’est un cadre, ce cadre va nous permettre d’avancer après il faudra se battre à l’intérieur pour faire la politique de gauche que nous souhaitons...

Jean-Pierre ELKABBACH : Oui...

Martine AUBRY : Voilà.

Dominique DE MONTVALLON : Mais vous savez que Philippe De Villier, l’autre jour a présenté François Hollande comme le directeur de campagne de Jacques Chirac.

Martine AUBRY : Oui, mais attendez, on va pas passer la soirée sur les petites phrases des uns et des autres...

Dominique DE MONTVALLON : Elles sont amusantes.

Martine AUBRY : Nous sommes entrain de parler, oui elles sont amusantes, mais les Français eux qu’est-ce qu’ils voient ?

Jean-Pierre ELKABBACH : Alors, justement...

Martine AUBRY : Voilà.

Jean-Pierre ELKABBACH : Justement, on va parler à la veille de l’expression du malaise social, on va essayer de savoir ce que vous vous demandez à ce gouvernement qui est en place, peut être encore pour longtemps, qu’est-ce que vous lui demandez, on va prendre les problèmes les uns après les autres.

Martine AUBRY : D’accord.

L’EDUCATION

Jean-Pierre ELKABBACH : Les femmes, les lycéens, l’assurance maladie, les fonctionnaires comment vous répondriez Martine Aubry aux difficultés qu’affrontent cette semaine et dès après demain Jean Pierre Raffarin, les lycéens, ils sont dans la rue, l’Assemblée Nationale a voté en première lecture la loi Fillon qu’est-ce qu’il faut en faire, on la garde telle quelle, on met les travaux pratiques encadrés qui étaient en classe terminale, on les met avec la loi Fillon en première, on les remet là pour calmer les lycéens qu’est-ce qu’on fait on retire en bloc toute la loi Fillon.

Martine AUBRY : Vous voyez bien que même dans la façon dont vous posez la question Jean Pierre Elkabbach, on est quand même dans un vrai malaise, l’éducation pour l’ensemble des français, il y en a même qui sont en train de déménager pour que leurs enfants soient dans une bonne école. C’est leur angoisse, on veut que ses enfants réussissent, réussir c’est acquérir des connaissances, c’est devenir citoyen, c’est pouvoir choisir sa vie, son métier, voilà...

Dominique DE MONTVALLON : D’accord.

Martine AUBRY : Et ça c’est l’école...

Dominique DE MONTVALLON : C’est le principe...

Martine AUBRY : Attendez, et on est en train de dire...

Dominique DE MONTVALLON : Vous avez connu quand vous avez gouverné des problèmes avec les jeunes...

Martine AUBRY : Oui.

Dominique DE MONTVALLON : Vous en avez perdu des ministres de l’Education Nationale.

Martine AUBRY : Bien sûr.

Dominique DE MONTVALLON : A plusieurs reprises...

Martine AUBRY : Mais si je peux répondre, je vais essayer...

Jean-Pierre ELKABBACH : Oui.

Martine AUBRY : Bon...

Jean-Pierre ELKABBACH : Le problème avec Dominique c’est de se demander si on peut poser une question, allez-y.

Martine AUBRY : Alors allez-y.

Dominique DE MONTVALLON : Non, non, non c’était ça la question. On l’a posé, on l’a posé.

Jean-Pierre ELKABBACH : Allez, arrêtons de nous taquiner quelques...

Martine AUBRY : Je suis absolument convaincu que le projet de l’éducation, projet éducatif global ou chaque enfant pourra avoir accès, pas seulement un petit savoir écouté que veut lui apporter Monsieur Fillon, mais connaître l’histoire, avoir accès au sport, à la culture, à la citoyenneté, que l’on donne à chaque enfant et c’est cela aussi un des gros problèmes de la loi Fillon le droit de ne pas être bon dès l’âge de huit ans, de dix ans ou de douze ans puisque c’est là que va se faire maintenant la sélection, que l’on soit capable et là nous ne l’avons pas fait suffisamment, je le dis, de garder cette même ambition, chaque enfant réussisse, mais changer les méthodes pédagogiques, adapter les méthodes, adapter le nombre, nous avons fait quelques expériences par exemple à Lille dans des écoles élémentaires, quand on a à avoir son attention attirée et qu’on a une heure d’anglais toutes les deux semaines, ça va pas, si on vous implique pendant trois jours en cours d’anglais à la rentrée, je prends cet exemple volontairement, si on met des pédagogies moins abstraites ça va pas, bref il faut réformer les méthodes pour que chacun est la même chance, la loi Fillon ne fait rien de tout cela, non seulement on a supprimé...

Dominique DE MONTVALLON : Qu’est-ce qu’on lui fait...

Martine AUBRY : 30 000 enseignants...

Dominique DE MONTVALLON : On lui coupe le cou à Fillon, la loi Fillon...

Martine AUBRY : On la retire, on la retire et on essaye de réfléchir ensemble à la façon de faire un vrai projet éducatif global qui devrait se poursuivre d’ailleurs dans toute la vie, parce que si on échoue à l’école, il faut quand même des deuxièmes chances après.

Jean-Pierre ELKABBACH : Parce que je peux vous dire qu’il y a eu la commission Tello qui a parlé...

Martine AUBRY : Oui.

Jean-Pierre ELKABBACH : Parlé, parlé, parlé, parlé longtemps...

Martine AUBRY : Qui avait beaucoup de bonnes choses...

Jean-Pierre ELKABBACH : Beaucoup de...

Martine AUBRY : Qui n’ont pas été reprises et c’est dommage...

Dominique DE MONTVALLON : Mais si elles avaient été reprises, elles auraient déclanché une révolution dans les milieux de l’enseignement...

Martine AUBRY : C’est vous qui le dîtes...

Dominique DE MONTVALLON : Et c’est les parents d’élèves, et ils protestaient quand monsieur Tello allait proposer, j’ai bien suivi le dossier et le rapport, quand il allait proposer ses mesures mais...

Martine AUBRY : Monsieur Tello proposait beaucoup d’autres mesures qui ne sont pas retenues...

Dominique DE MONTVALLON : Comment ça se fait ?

Martine AUBRY : Et notamment alors qu’aujourd’hui 55 000 jeunes vont rentrer en 2005 à l’école en plus dans l’école élémentaire et bien les enseignants n’augmentent pas, je vous donne quelque chose de très concret là, c’est vrai là.

Dominique DE MONTVALLON : Enfin je vais pas entrer dans le détail, je suis pas là pour défendre tel ou tel projet. Mais comment ça se fait que malgré les moyens qui sont en œuvre il y est 150 000 jeunes qui sortent chaque année sans qualification...

Martine AUBRY : Problème pédagogique...

Dominique DE MONTVALLON : Que l’école génère tant d’illettrés et d’incultes, est-ce que l’Etat y est seul coupable, est-ce qu’on peut pas dire Madame Aubry, Maire de Lille, il y a peut être d’autres gens qui sont aussi concernés par les résultats néfastes du système et du projet éducatif ?

Martine AUBRY : C’est exactement ce que je viens de vous dire, demain j’ai conseil municipal à Lille nous proposons ce projet éducatif global qui fait qu’autour de l’école puisque vous savez que les mairies s’occupent des classes élémentaires et primaires et bien nous allons travailler avec le sport, la culture, la citoyenneté, nous allons faire en sorte que les études surveillées que la ville de Lille a reprises en charge quand le gouvernement les a supprimées, il y a 2 ans, ce qui est encore plus individualisé, que les méthodes soient différentes parce que certains enfants n’arrivent pas à lire, écrire, ou compter, parce ces méthodes...

Dominique DE MONTVALLON : Mais comment ça se fait...

Martine AUBRY : Les méthodes sont trop abstraites.

Dominique DE MONTVALLON : C’est la faute à qui. Voilà ce qu’il faut dire, c’est l’Etat où les projets, il y a des acteurs...

Martine AUBRY : Il faut proposer, il y a des acteurs...

Dominique DE MONTVALLON : Des acteurs, il y a d’autres choses dans l’éduction.

Martine AUBRY : Mais encore faut-il faire confiance à ces acteurs, leur redonner de l’autonomie. Vous savez les enseignants, tout le monde le dit c’est le plus beau métier du monde, mais il faut leur dire, on vous donne les moyens et pas seulement financiers, les moyens pédagogiques, les moyens en temps, de pouvoir mettre toutes vos connaissances, votre intelligence, votre innovation au service des enfants, et pas seulement d’appliquer en cadre, en disant si à douze ans il n’a pas suivi, il sort et c’est fini.

Dominique DE MONTVALLON : Ca serait le résultat d’au moins 30 années de gouvernement de droite, de gauche, vous l’avez dit tout à l’heure.

Martine AUBRY : Oui mais attendez, je suis pas en train de vous dire le contraire, je pense que sur l’éducation...

Dominique DE MONTVALLON : Tout le monde doit réfléchir.

Martine AUBRY : Attendez, une chose quand même...

Dominique DE MONTVALLON : Sur l’éducation globale.

Martine AUBRY : Nous avons toujours eu, l’éducation a toujours été une priorité dans le budget du gouvernement et on en a vu les résultats dans des, oui mais attendez oui mais excusez-moi, les résultats ne sont pas complets, ils ont quand même avancés, on a eu des classes à quinze enfants alors qu’aujourd’hui on les ramène à nouveau à 30 enfants. Il faut aussi, tout n’a pas été fait, je suis d’accord, mais il y a eu des résultats quand l’éducation était la priorité.

Jean-Pierre ELKABBACH : Alors on sort de l’éducation avec Dominique de Montvallon. Thierry de Breton, c’est le nouveau Ministre de l’Economie et des Finances, qu’est-ce qui va changer, qu’est-ce qui peut changer. C’est la une de l’Express de cette semaine, vous allez avoir des tas de papiers la première semaine du nouveau ministre, qu’est-ce qui peut changer ?

Martine AUBRY : D’abord je remarque, Monsieur Sarkozy après nous avoir parlé de ce qu’il allait faire, régler le problème corse, on voit le résultat, régler le problème de la sécurité, on voit le résultat, régler le problème de la croissance et de l’emploi, il est parti après avoir laissé quand même un véritable échec, une dette publique je ne dis que cela. Une dette publique qui a monté de dix points, comme il l’avait fait d’ailleurs entre 82 et 84 c’est le champion toutes catégories parce qu’une dette publique c’est quoi, ça veut dire que chaque enfant pour demain, chaque français va devoir rembourser et aujourd’hui la dette publique elle n’a jamais atteint ce niveau 17 000 euros par français, je ne prends que cet exemple.

Dominique DE MONTVALLON : C’est la faute de Sarkozy ça, tout seul ?

Martine AUBRY : Attendez, il a été ministre de l’économie ou il n’a pas été ministre de l’économie ?

Dominique de MONTVALLON : Non mais Thierry Breton rappelait dès son arrivée avec un certain culot d’ailleurs qu’en 1980 la dette était de 90 milliards et qu’aujourd’hui elle est de plus de 1 000 milliards d’euros, il y a eu quand même un partage des gens aux pouvoirs

Martine AUBRY : D’accord, excusez-moi. Attendez, je vais quand même vous donner des chiffres, puisque vous voulez des chiffres je vais vous les donner, quand Lionel Jospin était là nous sommes descendus en terme de dette publique à 56 %, c’est les chiffres officiels, nous sommes aujourd’hui à 66 %, plus 10 %, donc on peut très bien...

Dominique DE MONTVALLON : Donc il y a un gouvernement de gaspillage.

Martine AUBRY : Il y a un gouvernement qui préfère faire un certain nombre de choix, je pense par exemple à la baisse de l’impôt sur le revenu, à un certain nombre de mesures qui soignent sa clientèle, ça va des droits de succession, ça va de l’AGEC qui a augmenté pour les familles les plus privilégiées etc, plutôt que de renforcer les services publics, c’est ça que disent les Français, l’éducation, la santé, on a abandonné, je vous l’ai dis tout à l’heure, l’accompagnement aux zones en difficultés, voilà la réalité, et puis on a un gouvernement qui fait en sorte que la croissance, y va quand la croissance, la croissance elle tombe pas des nues, là aussi quand le pouvoir d’achat est à la traîne alors qu’il a augmenté de 3 % par an quand Jospin était là, quand on augmente tous les tarifs, quand on paye la santé maintenant, quand on paye le logement il faut pas s’étonner que les Français ne consomment pas, et quand les Français ne consomment pas la croissance est insuffisante, les chefs d’entreprises sont inquiets donc ils n’investissent pas, voilà et nous sommes dans ce cercle vicieux.

Jean-Pierre ELKABBACH : Martine Aubry, est-ce que le contexte social et économique est difficile, est-ce qu’aujourd’hui il serait possible de procéder à des augmentations fortes au moins des bas salaires à vos yeux ?

Martine AUBRY : Moi je pense qu’il y a aujourd’hui deux choses sur lesquelles nous devons réfléchir : un, les économistes le disent et un certain nombre de chefs d’entreprises, le partage dans la richesse produite entre les salaires et les profits, et vous avez vu qu’il y a actuellement une détérioration vis-à-vis des salaires...

Jean-Pierre ELKABBACH : Vous l’avez dit tout à l’heure.

Martine AUBRY : Tout à l’heure et qui est vraiment important, deuxièmement, je pense qu’aujourd’hui les salaires restent encore trop taxés en France par les cotisations sociales, vous savez que j’avais, après que la CSG ait eu lieu, j’avais inclus les exonérations sociales en contre partie des créations d’emploi ce qu’a supprimé ce gouvernement, pour faire en sorte que la partie des cotisations salariales soit appliquée à l’ensemble des revenus des personnes, et pas seulement aux salaires, il faudrait aujourd’hui faire en sorte que les cotisations patronales ne soient pas payées uniquement sur les salaires, mais sur la valeur ajoutée, sur l’ensemble des éléments qui créaient les richesses, ça laisserait une marge de manœuvre qui permettrait une augmentation...

Jean-Pierre ELKABBACH : Et ça n’affaiblirait pas comme dirait Monsieur Sellière...

Martine AUBRY : Des salaires.

Dominique DE MONTVALLON : Les entreprises grandes et petites.

Martine AUBRY : Ecoutez, nous avons fait les 35 heures avec des gains de productivité de 5 %, ce que Monsieur Sellière ne conteste pas d’ailleurs, nous avons apporté des exonérations de charges sociales avec une contrepartie emploi, je vous rappelle que le gouvernement Jospin a créé 2 millions d’emplois là où nous sommes aujourd’hui à une stagnation, la réalité des choses elle est là, on peut faire une politique sociale juste qui soit économiquement efficace.

Dominique DE MONTVALLON : Sans faire de mauvais esprit, vivement le retour du gouvernement Jospin alors.

Martine AUBRY : Vivement le retour d’une politique de gauche, comme Lionel Jospin l’a faite, même si nous n’avons pas réglé tous les problèmes, et je suis convaincue par exemple que sur le problème des salaires, des bas salaires particulièrement nous n’avons pas été assez attentifs à ce problème, je suis convaincue que nous nous sommes tous trompés depuis des années sur le problème du logement, la droite comme la gauche par exemple...

Dominique DE MONTVALLON : Dans quel sens ?

Martine AUBRY : Ne voyant pas arriver cette crise qui est dans tous les pays industrialisés, nous aurions dû mettre de l’argent pour acheter du foncier, pour pouvoir acheter, construire effectivement des logements, il y a des domaines où, et puis nous avalons sous-estimer la crise très profonde, l’éclatement de notre société, cela fait partie du diagnostic sur lequel nous travaillons pour proposer un projet.

Dominique DE MONTVALLON : Est-ce que vous avez sous-estimé le malaise, ce sont des termes de sociologues, mais des classes moyennes ?

Martine AUBRY : Moi je crois qu’il y a un malaise aujourd’hui de tous ceux...

Dominique DE MONTVALLON : De l’ensemble de la France, mais il n’est pas le même quand même. Est-ce que, je maintiens la question.

Martine AUBRY : Je ne sais pas ce que vous mettez dans les classes moyennes, moi je pense que quand on est politique aujourd’hui en France on doit tourner le dos aux clientèles quelles qu’elles soient, et on doit faire en sorte que chacun, chaque français, chaque française puisse prendre sa vie en main, c’est-à-dire travailler pour gagner sa vie, et sortir de l’assistance, faire en sorte que ses enfants réussissent et que nous ayons une politique juste dans la distribution des richesses.

Dominique DE MONTVALLON : Et, vous voyez quand vous parlez des exclus, c’est très important, et ça le reste, mais est-ce que les familles qui se reconnaissent dans les classes moyennes se considèrent interpellées ?

Martine AUBRY : Monsieur de Montvallon, quand on a créé les 350 000 emplois jeunes, une très grande partie était des enfants des classes moyennes, c’est ce qu’a d’ailleurs redonné la confiance.

Dominique DE MONTVALLON : Donc ça avait un sens pour les classes moyennes.

Martine AUBRY : Et qui a permis à la consommation, mais on l’a pas fait pour faire plaisir aux classes moyennes, on l’a fait parce que c’était bon pour la France.

Dominique DE MONTVALLON : Mais aujourd’hui ?

Martine AUBRY : Quand nous avons créé 2 millions d’emplois dans notre pays, c’était pour les classes moyennes, les classes populaires, pour tout le monde, je crois que le vrai sujet aujourd’hui c’est de faire ce qu’il faut pour la France, et aujourd’hui il faut booster la croissance, il faut créer des emplois, il, faut des services publics qui soient forts, et il faut demander en contrepartie aux français du respect, respect des autres, respect des règles, voilà c’est un projet politique.

Dominique DE MONTVALLON : Aujourd’hui, qu’est-ce qui vaut mieux être, même si la comparaison n’est pas trop bonne, français sous Chirac ou allemands sous Schröder, y a plus de 5 millions et demi de chômeurs, plus de 12 % de chômeurs... En Allemagne dans un gouvernement social démocrate, des protestations, des mesures sociales, là plutôt libérales à propos du licenciement etc, qu’est-ce qu’il vaut mieux être français sous Chirac ou allemands sous Schröder ?

Martine AUBRY : Ecoutez, je dirais deux choses, je dirais d’abord que l’Allemagne elle n’a pas passé le cap du secteur tertiaire elle est restée un grand pays industriel et elle a un énorme problème aujourd’hui et sur le nombre d’emplois...

Dominique DE MONTVALLON : Elle paye la réunification...

Martine AUBRY : Sur l’état de tiers, et puis deuxièmement elle paye la réunification un formidable acte de solidarité mais, je dirais, on parle de licenciement en Allemagne mais quand on dit que nos procédures sont rigides en France, il faut aller voir ce qui se passe en Allemagne, il faut savoir qu’en Allemagne quand on a fait les 35 heures, les entreprises n’ont pas été aidées, les salariés n’ont pas accepté qu’il y ait des souplesses dans les entreprises, donc on est dans une société qui doit faire ce que nous avons essayé de faire de la souplesse et de la justice.

Jean-Pierre ELKABBACH : Un mot avant de passer à une publicité, les 35 heures on ne peut pas en parler la mère de la loi Aubry, les sénateurs ont voté à leur tour l’assouplissement de la loi, en cas d’alternance, qu’est-ce devient la loi Aubry ?

Martine AUBRY : En cas d’alternance, on fera ce qu’on en a dit, c’est-à-dire on fera un bilan de ce qui s’est fait plus de 100 000 accords je rappelle ont été signés, 500 000 emplois créés, je parle...

Jean-Pierre ELKABBACH : Alors, c’est-à-dire on met tout à plat...

Martine AUBRY : Je parle...

Jean-Pierre ELKABBACH : Est-ce que c’est table rase sept ans après et on propose quelque chose d’autre ?

Martine AUBRY : Je pense que la méthode démocratique c’est de faire le bilan, se rendre compte qu’aujourd’hui, 77% des français qui y sont veulent y rester, regarder ceux qui au contraire ont vu une détérioration de leurs conditions de travail, pour voir comment on peut les aider et pour pas que ça se poursuive, aider les PME...

Jean-Pierre ELKABBACH : D’accord, d’accord...

Martine AUBRY : Dans le secteur de l’artisanat...

Jean-Pierre ELKABBACH : Mais la loi...

Martine AUBRY : Et revenir à un mouvement de la réduction historique du travail...

Jean-Pierre ELKABBACH : La loi Aubry, elle est caduque.

Martine AUBRY : Oui, elle est largement remise en cause, par le gouvernement Raffarin, pas pour les raisons qu’il dit...

Jean-Pierre ELKABBACH : Pas de base, à ce qui se ferait éventuellement en 2007...

Martine AUBRY : C’est vrai...

Jean-Pierre ELKABBACH : S’il arrivait au pouvoir.

Martine AUBRY : Si, si, il pourrait revenir sur les dispositions de la loi qui ont été modifiées, parce qu’aujourd’hui, en fait le vrai projet du gouvernement c’est quoi, c’est travailler plus sans gagner plus, voilà la vérité, et c’est mettre seul...

Jean-Pierre ELKABBACH : Est-ce qu’il y aurait...

Martine AUBRY : Le salarié face à l’entreprise...

Jean-Pierre ELKABBACH : Mais vous n’avez pas répondu, il y aurait une loi ou il n’y aurait pas une loi dans le projet que vous êtes entrain de préparer avec Dominique Strauss-Kahn et Jack Lang...

Martine AUBRY : Il ne pourrait pas y avoir une loi puisque aujourd’hui par exemple, la loi qui est en train d’être votée supprime le paiement des heures supplémentaires qui existe depuis le début du siècle en France, permet aujourd’hui qu’un salarié soit obligé d’accepter par une entreprise de faire des heures supplémentaires, depuis 1950, c’était impossible en France, donc bien sûr qu’il faudra une loi pour remettre tout cela...

Jean-Pierre ELKABBACH : Loi Aubry 2...

Martine AUBRY : Il y en a déjà eu 2...

Jean-Pierre ELKABBACH : Alors Aubry 3...

Martine AUBRY : Alors, là, je ne sais pas si je serais là pour faire ça...

Jean-Pierre ELKABBACH : Oui.

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PLAN DE COHESION SOCIALE

Jean-Pierre ELKABBACH : Avec Dominique de Montvallon du "Parisien", nous avons essayé de voir les différents problèmes sociaux de cette semaine qui va être importante avec les lycéens, les femmes, la manifestation du 10, encore deux remarques de votre part ou de jugement, qu’est-ce que vous pensez du plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo il est en train de réussir, il fait ce qu’il faut ou pas ?

Martine AUBRY : Ecoutez, cette semaine on a passé 10% de chômage donc les résultats parlent d’eux-mêmes, Jean-Louis Borloo il a eu le mérite en arrivant de reconnaître que tout ce qu’avait supprimé le gouvernement c’était une erreur, des emplois jeunes aux emplois d’insertion, c’est-à-dire toute la politique de l’emploi, mais pour l’instant, ce qu’il a annoncé, même si ça paraît aller dans le bon sens, je pense aux contrats d’avenir par exemple, restent totalement virtuels. Et puis j’ai l’impression que ces derniers jours qu’il est pris un peu par une espèce de virus Sarkozien, puisqu’il nous annonce tous les jours des trucs incroyables, 500 000 emplois de services en oubliant de dire qu’en général, les gens travaillent dix heures donc quoi ça fait 100 000 emplois, le logement à 100 000 euros, il oublie de dire qu’il ne prend pas en compte le terrain, tous les jours, il annonce quelque chose...

Jean-Pierre ELKABBACH : Mais alors, mais alors...

Martine AUBRY : Ce que je vois, c’est que les moyens ils ne suivent pas, il a pas l’argent, voilà, alors il a sans doute de bonnes intentions...

Jean-Pierre ELKABBACH : Mais, mais..

Martine AUBRY : De bonnes idées...

Jean-Pierre ELKABBACH : Mais il y aurait un satisfait, alors quand même nuancé, pour Borloo...

Martine AUBRY : Je pense que c’est quelqu’un qui connaît bien les problèmes de la société, mais moi si j’annonçais quelque chose et que le Premier Ministre n’acceptait pas de le financer, je pense à ce que j’ai fait lors de la loi contre les exclusions où j’ai eu 35 milliards de francs à l’époque sur deux ans et demi, je n’aurai pas annoncé de l’argent que je n’ai pas parce que ça évite ensuite encore...

Jean-Pierre ELKABBACH : Et...

Martine AUBRY : Des désillusions et un refus entre les Français et la politique.

Jean-Pierre ELKABBACH : Les problèmes de la santé et de la Sécurité Sociale vous les connaissez très bien, est-ce que Philippe Douste-Blazy n’est pas en train de réussir avec sa réforme de l’assurance maladie ?

Martine AUBRY : Là, je pense que c’est une blague, non, puisque là, je crois vraiment que...

Dominique de MONTVALLON : On a entendu l’éclat de rire...

Martine AUBRY : Le vent est quand même en train vraiment de tourner, nous avions dit que sa réforme était injuste et inefficace, on bat tous les records, 14 milliards d’euros de déficit de la Sécurité Sociale, je rappelle quand même je voudrais le dire parce qu’on parle toujours des 35 heures, que nous avions rétabli l’équilibre et même l’excédent de la Sécurité Sociale, donc c’est injuste, c’est uniquement les malades qui payent et c’est aussi totalement inefficace, les médecins se sont exprimés mieux que moi, cette réforme va coûter de l’argent, elle est uniquement fait pour nous augmenter les tarifs des spécialistes, vous vous souvenez de son dossier unique, on avait dit que il n’y arriverait pas, il n’a pas fait, on avait dit que ça coûterait très cher, effectivement ça coûte cher, et il n’y arrive pas, donc c’est une non-réforme mais dangereuse, parce qu’elle risque peu à peu de ne pas rembourser les petits risques, les mutuelles doivent de plus en plus en prendre en plus, vous avez encore entendu ce week-end, elles demandent d’augmenter les cotisations, et les gens qui n’ont pas de pouvoir d’achat, Monsieur de Montvallon, et bien, il va falloir en plus avec le loyer, avec l’euro chez le médecin, etc.

Dominique de MONTVALLON : Mais, mais...

Martine AUBRY : Qu’ils augmentent leurs cotisations et leurs mutuelles.

Dominique de MONTVALLON : Mais..

Martine AUBRY : Donc, c’est dramatique, là c’est vraiment dramatique.

Dominique de MONTVALLON : Parce que vous dites les résultats ont va les voir dans pas longtemps.

Martine AUBRY : Bien, ça y est, ils ontété annoncés.

Dominique de MONTVALLON : Oui, on en sent le parfum, maisil n’y en a pas un qui échappe à vos critiques ?

Martine AUBRY : Si, Gilles de Robien, sur la Sécurité Routière, je crois que nous sommes un pays justement où nous faisons insuffisamment de prévention, c’estvrai d’ailleurs, sur la politique de santé, sur par exemple l’alcoolisme, sur le suicide des jeunes, il nous manque une vraie politique de prévention, nous avons été, nous aussi, insuffisants en la matière, et bien Gilles de Robien a pris une des grandes causes de mortalité, la Sécurité Routière il l’a traitée, il a des résultats, je crois qu’on peut lui faire...

Dominique de MONTVALLON : Et, et...

Martine AUBRY : Un grand coup de chapeau...

Dominique de MONTVALLON : Et Jean-Pierre Raffarin, qu’est-ce que vous lui accordez ? Au moins sa longévité,je sais qu’elle agace pas mal de gens, peut-êtreun début d’autoritarisme ?

Martine AUBRY : Elle agace plus des gens dans son clan, dans son camp que dans le nôtre.

Dominique de MONTVALLON : Oui.

Martine AUBRY : Personnellement, c’est une politique que nous combattons, c’est pas un homme.

Dominique de MONTVALLON : Oui, mais, sur le principe dès qu’il est arrivé où comme maintenant vouscontinuez à le combattre, à le dénoncer même, même s’il a apporté des décisions satisfaisantes sur tel ou tel dossier.

Martine AUBRY : Je ne sais pas.

Dominique de MONTVALLON : Vous lui passez rien.

Martine AUBRY : C’est pas que je ne lui passe rien, c’est je ne trouve pas spontanément ses décisions.

Jean-Pierre ELKABBACH : Et bien, Anne-Marie Moreau vient de me dire qu’il y a un super succès de la manifestation de Ni putes ni soumises, en faveur de la laïcité, la mixité, de l’égalité des sexes, et en tête du cortège, il y avait la photo de Florence Aubenas, avec son guide Hussein, et les filles ont eu également une pensée pour l’Italienne Juliana Sgrena, qui est rentrée en Italie, comme vous le savez, qui a dénoncé les attaques inadmissibles des soldats américains, contre son cortège, et qui a provoqué la mort du héros qui l’a libéré et protégé, qu’est-ce que vous retenez d’abord Martine Aubry, ce soir, la violence américaine, ou ce que promet la libération de l’Italienne Sgrena, peut-être pour notre Florence Aubenas ?

Martine AUBRY : Je retiens la joie et la douleur quoi pour cette journaliste italienne, je crois qu’on peut pas en dire plus parce qu’on ne sait pas, donc là attendons et soyons prudents, deuxièmement, nous avons beaucoup fait à Lille comme partout en France, pour nous mobiliser, pour que Florence Aubenas et Hussein retrouvent la liberté, donc moi je dirais aujourd’hui prudence dans les paroles y compris par rapport à ce que fait le gouvernement, parfois on a l’impression ces derniers jours on ne comprend pas très bien, mais prudence soutenons tous les efforts...

Jean-Pierre ELKABBACH : Est-ce que...

Martine AUBRY : Deuxièmement, mobilisation continuons à mobiliser, nous l’avons fait beaucoup, beaucoup de choses dans le Nord, et partout en France, parce qu’il faut continuer à faire vivre l’espoir de la revoir.

Jean-Pierre ELKABBACH : Est-ce que vous vous confieriez dans ce climat, une mission parallèle à Didier Julia ?

Martine AUBRY : Monsieur Elkabbach, je ne connais pas le dossier, et je crois que peu de personnes le connaissent, donc moi, je fais confiance au gouvernement qui a reçu Julia, pour savoir si oui ou non il avait une chance d’ouvrir des portes, si ce n’est pas le cas...

Jean-Pierre ELKABBACH : Et bien vous voyez...

Martine AUBRY : Si ce n’est pas le cas...

Jean-Pierre ELKABBACH : Vous voyez vous pouvez au moins accorder un point positif à Jean-Pierre Raffarin...

Martine AUBRY : Mais écoutez...

Jean-Pierre ELKABBACH : Voilà...

Martine AUBRY : C’est beaucoup trop grave, sur un point comme celui-là, nous sommes tous Français, nous défendons tous, nous sommes pas en guerre civile quand même dans notre pays, nous défendons une journaliste exceptionnelle et nous défendons derrière elle tous les journalistes et la liberté de la presse.

Jean-Pierre ELKABBACH : Dominique de Montvallon.

DROITS DE LA FEMME

Dominique de MONTVALLON : Martine Aubry, que vous inspire le soixantième anniversaire du droit de vote accordé aux femmes ?

Martine AUBRY : Et bien, elle m’inspire d’abord une fête, la fête que je vais faire comme chaque année d’ailleurs, le 8 mars, mais cette année sur ce thème, 1 500 lilloises de toutes catégories sociales, de toutes cultures, de tout âge, mardi soir, le 8 mars, donc déjà, pour moi c’est un plaisir que toutes les femmes vont se rencontrer. Deuxièmement, les femmes peuvent voter depuis 60 ans en France, je rappelle qu’en Finlande, où une femme est d’ailleurs Présidente de la République comme en Turquie, elles peuvent voter depuis le début du siècle, vous voyez, on n’a pas été quand même les plus avancés...

Dominique de MONTVALLON : Et ça vous donne quoi de voir pour toutes celles qui sont en Afghanistan, au Pakistan, en Arabie Saoudite, au Qatar, et dans tous ces pays qui ne peuvent pas voter, qui peuvent pas sortir de chez elles, sans leur burka, et leur grillage...

Martine AUBRY : Bien sûr...

Dominique de MONTVALLON : Noir...

Martine AUBRY : C’est le deuxième point que je voulais dire, c’est qu’au-delà du droit de vote, les droits des femmes ne sont jamais, jamais acquis, c’est ce qu’ont dit d’ailleurs, les femmes qui ont manifesté avec Ni putes ni soumises aujourd’hui, elles peuvent toujours être remises en cause, par la violence, à l’intérieur de la famille, par la violence de la société, par les discriminations dont elles font preuves et je crois qu’aujourd’hui toutes ces femmes qui bougent et qui se bougeront en France le 8 mars et bien c’est d’abord le bonheur de se retrouver, je vous le dis franchement. Et puis on a l’impression que les choses commencent à avancer chez nous alors qu’il y a encore tant à faire dans le monde.

Jean-Pierre ELKABBACH : Il faudrait qu’il y ait une fête pour les femmes, pour les êtres humains peut être dans le monde mais chaque jour de l’année, qu’on attende pas le 8 mars.

Martine AUBRY : Vous avez raison.

Jean-Pierre ELKABBACH : C’est vrai, le 8 mars, on rattrape. C’est une occasion. Il faudrait qu’il y en ait un peu plus, un jour par semaine.

Martine AUBRY : Mais c’est l’occasion de parler d’autre chose et en prendre conscience.

Jean-Pierre ELKABBACH : Selon un récent sondage, les Français sont prêts à élire une femme à l’Elysée. Vous l’avez lu comme moi. Je crois que c’est 75 ou 78%. Ca veut dire que ça donne une chance à Martine Aubry ou peut-être à Ségolène Royal ? Qu’est-ce que vous en pensez ?

Martine AUBRY : Moi, je pense que les Français sont totalement matures et qu’ils savent qu’aujourd’hui une femme peut diriger un pays comme un homme. Je lisais, la Présidente de Finlande, Socialiste d’ailleurs, la Présidente de la République était en voyage officiel la semaine dernière...

Jean-Pierre ELKABBACH : Non, mais une fois de plus en France. Il pourrait être Allemand, il pourrait être peut-être Anglais, il pourrait être Espagnol, il ne peut pas être Américain, il ne peut pas être Français ?

Martine AUBRY : Pourquoi vous dites ça puisque 77%...

Jean-Pierre ELKABBACH : Mais vous me donnez à chaque fois des exemples en Finlande, aux Bahamas...

Martine AUBRY : Mais il faut s’ouvrir sur le monde, Jean-Pierre Elkabbach. C’est ça l’Europe aussi.

Jean-Pierre ELKABBACH : Alors est-ce que vous trouvez que vous avez des qualités pour la fonction ? Ou Ségolène Royal aurait les qualités ? Quel type de portrait ?

Martine AUBRY : Mais nous ne fonctionnons pas du tout comme ça chez nous. On n’est pas Sarkozy contre Chirac. Nous préparons un projet.

Jean-Pierre ELKABBACH : Oh !

Martine AUBRY : Nous préparons un projet et nous le préparons d’ailleurs collectivement avec Dominique Strauss Khan, Jack Lang autour de François Hollande.

Jean-Pierre ELKABBACH : Formidable.

Martine AUBRY : Une fois que ce projet aura été réalisé, les militants du Socialiste choisiront le meilleur ou la meilleure pour défendre ce projet.

Jean-Pierre ELKABBACH : D’accord. Ca, je n’insiste pas parce qu’on retournerai...

Martine AUBRY : Et ce n’est pas le moment de mesurer les mensurations individuelles aujourd’hui, voilà.

Jean-Pierre ELKABBACH : On ne se demande pas si untel ou tel a les épaules. Mais il n’y en a pas un qui incarne en ce moment un peu plus que d’autres ?

Martine AUBRY : C’est-à-dire que nous, on a beaucoup de talents, vous savez, donc c’est difficile.

Jean-Pierre ELKABBACH : Oui, d’accord.

Martine AUBRY : Mais les militants choisiront.

Jean-Pierre ELKABBACH : Je n’insiste pas parce qu’on tournerai en rond pour rien.

Martine AUBRY : Vous avez raison. Merci.

Jean-Pierre ELKABBACH : Oui, on vous enlève un embarras. Et alors le projet dont vous parlez, vous êtes trois à le préparer, on va voir un jour son résultat, ça fait 100 jours que vous travaillez sur le projet, il est où ce projet ?

Martine AUBRY : Est-ce que je peux me permettre de vous rappeler que l’élection présidentielle a lieu en 2007 et c’est-à-dire dans deux ans maintenant et qu’un parti qui, deux ans et demi avant, travaille d’abord à un diagnostic de la société et pas seulement à ce qui va mal, aussi aux atouts de la France parce que moi j’en ai un petit peu assez qu’on nous dise toutes les minutes que la France va mal, que les Français sont paresseux...

Dominique de MONTVALLON : C’est ce que vous faites depuis tout à l’heure.

Martine AUBRY : Non, la France va mal dans une politique qui est menée mais les Français ont beaucoup d’atouts et la France a beaucoup d’atouts et ça je crois qu’il faut pas l’oublier aujourd’hui, je pourrais...

Jean-Pierre ELKABBACH : Excusez-moi. La France c’est-à-dire ? La France qui gouverne, elle est illégitime par rapport aux français aujourd’hui ?

Martine AUBRY : Pas illégitime puisqu’elle a été élue Monsieur Elkabbach.

Jean-Pierre ELKABBACH : Vous nous dites la France et les Français.

Martine AUBRY : Mais non pas de tout. Je dis que si l’on veut faire un bon projet, projet pour la France, faut-il encore être convaincu d’avoir fait un bon diagnostic où est-on bon, où est-on mauvais ? J’ai dit plusieurs fois dans la soirée que sur le projet éducatif, que sur le logement, on pourrait faire beaucoup mieux...

Jean-Pierre ELKABBACH : Alors donnez-nous à Dominique et moi des pistes ou des actes prioritaires de ce projet mystérieux qui ne verra jour que vers 2006...

Martine AUBRY : Attendez, vous feriez de la politique Monsieur Elkabbach, voilà, est-ce que vous mettriez vos propositions sur la table aujourd’hui, deux ans avant l’élection, attendez, notre président, notre candidat à la présidentielle...

Jean-Pierre ELKABBACH : J’essayerai de démontrer que j’ai quelques propositions, je ne me contenterai pas de démolir ce que les autres font en disant vous allez voir ce que vous allez voir et puis quand vous arriveriez...

Martine AUBRY : Demandez la même chose à Monsieur Sarkozy et Chirac, vous serez content de savoir ce qu’ils veulent faire en 2007. En ce qui nous concerne...

Jean-Pierre ELKABBACH : Donc vous attendez qu’il fixe son projet pour faire un contrôle.

Martine AUBRY : Non, non, non pas du tout mais je dis posez leur la même question. La première question qui se pose à nous c’est encore une fois quels sont les problèmes aujourd’hui de la France. ? Je n’y reviens pas, retrouver les voies de la richesse, des fortes inégalités, un pays qui ne prépare pas l’avenir et quels sont nos atouts ? Une productivité de travail la meilleure du monde, une politique démographique qui s’accroît, des services publics de grande qualité...

Jean-Pierre ELKABBACH : Une capacité d’innovation, des chercheurs...

Martine AUBRY : Non alors justement j’allais le dire nous ne préparons pas assez l’avenir, c’est la recherche, c’est la culture etc voilà. A partir de là quelques grandes pistes, retrouver ce chemin d’une croissance qui crée des richesses et de l’emploi comme nous l’avons fait, je suis désolée de la dire avec Lionel Jospin, deuxièmement faire en sorte que chacun puisse avoir accès aux droits fondamentaux, il faudra réformer l’école on l’a dit, il faudra aussi trouver des priorités financières pour le logement ou pour la santé, troisièmement préparer l’avenir parce que un des points favorables de la croissance aux Etats-Unis aujourd’hui...

Jean-Pierre ELKABBACH : Mais vous avez vu un candidat qui se lance et qui dirait pas je prépare l’avenir ?

Martine AUBRY : Non mais préparer l’avenir concrètement. Quand on a diminué le budget de la recherche, non mais on parle de choses sérieuses Monsieur Elkabbach, une des raisons aujourd’hui du taux de croissance élevé des Etats-Unis c’est qu’ils sont rentrés très vite dans les nouvelles technologies et que eux qui sont libéraux ils financent la recherche. Financer la recherche pour demain c’est financer nos emplois, c’est financer l’avenir de notre santé donc c’est évidemment totalement majeur et puis construire une Europe forte pour un monde plus juste, régulé...

Jean-Pierre ELKABBACH : Et pour parler un peu plus d’égal à égal avec les grandes puissances.

Martine AUBRY : Voilà et penser que le multilatéralisme n’est pas seulement la loi du plus fort à laquelle répond bien évidemment la violence c’est ça l’avenir de l’Europe, c’est de la justice pour être efficace, pour être influent et pour faire ne sorte qu’effectivement on créée un autre avenir plus doux évidemment.

Jean-Pierre ELKABBACH : Alors vous dites oui sans aucune arrière-pensée oui à l’Europe.

Martine AUBRY : Oui, oui, oui sans problème.

Jean-Pierre ELKABBACH : Merci Martine Aubry.

 

> Retrouvez le script du "Grand Rendez-Vous" d’Europe 1 du 6 mars 2005 avec Martine AUBRY. JPL
Message déposé le 4 mai 2006. Qu’attend le pS ?

Eh ! Oui ! Il est urgent de mettre un terme à la casse ! Seul un Projet vraiment socialiste peut déclencher le soutien populaire.

Il faut partir du bilan :

  La droite a accru les durées du travail et instauré l’obligation de travailler plus pour gagner de toutes les façons moins.

  Chirac a aggravé la fracture sociale !

  Rien ne justifiait, ni socialement ni économiquement, le hold up sur les retraites !

  Licencier sans motif est une profonde atteinte à la dignité humaine !

  Le projet de marchandisation de l’école est en route !

  Aujourd’hui avec ce régime libéral, les enfants de salariés ont moins d’espoirs que n’en avaient leurs parents !

  Il faut abroger les mesures prises par la droite, c’est la condition de la reconstruction !

  La démographie aurait dû entraîner mécaniquement une forte réduction du chômage. Le gouvernement Villepin a freiné de toutes ses forces cette tendance naturelle !

  Les moyens d’une autre politique existent : la france n’a jamais été aussi riche ! Depuis 1983, la part des profits dans le partage de la richesse créée chaque année (PIB) s’est accrue de 10 points au détriment des salaires.

Le Parti socialiste doit être d’abord le parti des salariés et de tous ceux qui souffrent de l’exploitation capitaliste. Quitte à s’opposer au Plan de Stabilité (absurdité technocratique bruxelloise) il faut donner satisfaction aux besoins sociaux des habitants de notre pays.