Réponses de confiances

Martine AUBRY est intervenue devant les délégués du congrès de l’UNEF, à Lille Grand Palais, le 22 mars 2007.

Chers amis, chers camarades,

Permettez moi tout d’abord au nom de la Ville de Lille de vous souhaiter la bienvenue dans notre belle région. Je remercie particulièrement Bruno Julliard votre Président de m’avoir invité aujourd’hui pour intervenir devant vous à l’ouverture de ce congrès qui restera dans l’histoire de votre organisation.

Peu d’organisations de jeunesse peuvent se targuer de célébrer leur centenaire et c’est pour moi une grande fierté de vivre ce moment historique avec vous.

Vous êtes ici dans une des plus grandes villes universitaires de France. Notre métropole accueille 150000 étudiants. Vous aurez l’occasion de vous rendre compte je l’espère que cet atout fait de Lille une ville jeune et créative, qui aime faire la fête mais qui sait aussi accueillir.

J’espère que ce séjour de travail vous donnera envie de revenir. Vous serez toujours les bienvenus.

Je salue tout particulièrement Lucile Chelouti, la toute nouvelle présidente de l’UNEF de Lille que je félicite pour sa récente élection.

Je salue aussi Olfa Laforce, qui représente aujourd’hui Daniel Percheron. Je sais Daniel très attaché au sort de nos universités et je sais combien le Conseil Régional qu’il préside essaie très souvent avec réussite de tirer vers le haut les universités du Nord-Pas-de-Calais.

Je salue également très chaleureusement Bernard Derosier, le président du Conseil Général du Nord et Monsieur Waldi Psonka, le directeur du CROUS de Lille.

L’histoire de Lille et du Nord se confond avec l’histoire du mouvement ouvrier et du mouvement syndical. Terre de luttes et de conquêtes sociales, le Nord-Pas-de-Calais est depuis longtemps le lieu essentiel d’implantation et de structuration pour les organisations syndicales.

Ce n’est donc pas un hasard si c’est ici, à Lille, qu’est fondée l’UNEF en 1907. Dès 1881, s’opèrent les premiers regroupements-étudiants avec la fondation de l’Union lilloise des étudiants de l’Etat. Et en mai 1907, à l’occasion de l’inauguration de la Maison des étudiants de Lille, (siège de l’Union lilloise des étudiants de l’Etat) a lieu le premier congrès d’une nouvelle organisation, l’Union Nationale des Associations Générales des Etudiants de France qui deviendra très rapidement l’Union Nationale des Etudiants de France. Son rôle principal est défini ici : organiser le Congrès national des étudiants qui formule des vœux à destination des pouvoirs publics.

C’est bien dans la lignée de l’histoire syndicale de notre région que se fonde donc l’UNEF il y a 100 ans, pas loin d’ici d’ailleurs, rue de Valmy. Ce lieu deviendra le premier restaurant universitaire de Lille lorsque Roger Salengro, maire de Lille entre 1925 et 1936, rénove la Ville et la construit.

Les étudiants ont ainsi donné naissance à un grand mouvement qui s’est peu à peu détaché du corporatisme pour devenir une réelle force de revendication, notamment à partir de ce grand moment qu’a été l’adoption en 1946 de la Charte de Grenoble qui fait de vous des jeunes travailleurs en formation.

C’est un nouveau chapitre de l’UNEF qui s’ouvre à ce moment là. Ce statut fait de votre organisation un réel syndicat qui peut ainsi justifier un certain nombre de demandes en faveur des étudiants.

C’est notamment en s’appuyant sur la Charte de Grenoble, que, par un important travail de conviction auprès des pouvoirs publics, l’UNEF obtient la création en 1948 du Régime étudiant de Sécurité Sociale et la création de la Mutuelle Nationale des Etudiants de France devenue depuis La Mutuelle des Etudiants.

Pour cette formidable avancée qui permet aux étudiants de bénéficier d’une caisse de sécurité sociale, d’une mutuelle gérée par les étudiants et pour les étudiants, et qui aujourd’hui fait un travail capital pour la prévention et pour l’accès à la santé de tous, vous pouvez -nous pouvons- remercier chaleureusement vos prédécesseurs.

Durant toute votre histoire, vous avez toujours été dans les combats pour l’amélioration des conditions de vie et d’étude des étudiants.

C’est grâce à l’UNEF que naissent les œuvres sociales en 1929 qui deviendront plus tard les CROUS.

C’est grâce à l’UNEF que naît aussi en 1929 l’Office du Tourisme Universitaire et le sport universitaire.

C’est grâce à l’UNEF qu’apparaît la revendication de l’allocation d’étude, puis de l’allocation autonomie.

Je souhaite insister sur votre militantisme permanent pour lutter contre la sélection à l’entrée de l’université, pour de nouvelles modalités d’examen, contre l’augmentation des frais d’inscription, pour la refonte de l’aide sociale, pour la démocratisation, pour un réengagement financier de l’Etat...

Je n’oublie pas non plus les grands mouvements victorieux de protestation dans lesquels vous avez été à la pointe, notamment contre les lois Devaquet en 1986, ou contre le CIP, le Contrat d’Insertion Professionnel, ce SMIC-jeune, ce sous contrat de travail déjà qu’Edouard Balladur voulait instaurer en 1994. Et bien entendu je n’oublie pas votre mobilisation contre le CPE.

Cette histoire que vous continuez à construire aujourd’hui ; cette histoire qui a fait de l’UNEF réunifiée en 2001 après trente ans de division syndicale, le premier syndicat étudiant de France ; cette histoire et ce militantisme reconnu par tous les étudiants qui vous ont désigné en majorité pour les représenter dans les CROUS, dans les CNOUS et au CNESSER ; cette histoire vous pouvez en être fiers.

 Chers camarades,

Permettez moi de revenir sur un événement majeur qui s’est déroulé il y a moins d’un an. La victoire de la lutte que vous avez menée contre le CPE. Pour cela je pense que nous devons vous dire merci.

La victoire de l’abrogation du CPE est d’abord seulement une victoire sur un contrat inique que la droite voulait imposer à notre jeunesse. Un acte de défiance et de rejet pour la jeunesse française.

Je retiens de ce combat et de cette victoire, deux leçons pour l’avenir.

D’abord, la preuve que quand les mouvements de jeunes, les organisations syndicales, les forces de gauche et de progrès sont unis sur un même objectif, la victoire est possible. Je voudrais ici en profiter pour saluer devant vous l’exceptionnelle unité qui a marqué cette mobilisation. Les syndicats étudiants, l’UNEF en pointe, ont d’abord su s’unir et mobiliser la jeunesse contre le CPE.

On y tente de diviser les jeunes : les diplômés des beaux quartiers d’un côté, les jeunes en difficulté de l’autre. Vous avez montré qu’il n’y avait qu’une jeunesse aujourd’hui : celle à qui on propose des stages non rémunérés à Bac +6, des emplois non qualifiés par rapport à leur formation et celle qui galère, qui doit tout accepter en termes de conditions de vie et de travail. Vous avez réuni les jeunes dans un même combat : avoir une place dans la société pour choisir sa vie et la réussir.

Par la force de votre démonstration, par le message général que vous avez fait pour contrer la loi du plus fort et la précarité généralisée, vous avez réussi à coaliser les syndicats de salariés à votre combat.

Dans les moments difficiles comme dans les moments d’enthousiasme, vous avez su mettre l’unité au service de votre détermination. C’est cette unité qui a permis de gagner et d’entraîner une prise de conscience dans le pays.

Ce mouvement a aussi démontré la force d’un mouvement syndical lorsqu’il se bat uni pour un autre modèle de société. Dans un monde où se côtoient l’individualisme et le repli sur soi, je suis convaincue, et vous le savez mieux que moi, que les organisations syndicales sont les acteurs incontournables d’une république vivante et du retour du chemin du progrès.

La deuxième victoire dans la lutte contre le CPE, plus profonde encore, est une véritable prise de conscience dans l’opinion qu’il n’était plus possible de tout accepter au nom de la soi-disant nécessaire adaptation à la mondialisation.

Au départ en effet, face au CPE, les français étaient résignés comme ils l’avaient été face au CNE. Nos mises en garde ne prenaient guère.

La mobilisation des mouvements de jeunesse, rejoints par les organisations syndicales a changé la donne.

Le pays a enfin écouté les jeunes qui ont dit stop. Non pas stop à la mondialisation, car vous êtes une génération plus ouverte que toute autre sur le monde.

Stop tout simplement à cette mondialisation là, où le financier l’emporte sur l’économie et le social, où le court terme l’emporte sur la préparation de l’avenir, où les inégalités s’accroissent alors que règne la loi du plus fort sans règle et sans valeur.

Nous avons tous entendu bien sûr les critiques des conservateurs de tout poil, dans le monde entier, dire que nous étions d’irréductibles conservateurs, incapables de nous adapter au monde moderne. Ils se trompent.

Ce que les jeunes refusent, ce que vous refusez, c’est une société qui ne leur fait pas confiance, qui ne se donne pas les moyens d’émanciper chacun par l’accès à l’éducation, à la santé, au logement. C’est une société où le nationalisme devient l’alpha et l’oméga et où reculent les valeurs collectives de solidarité et de fraternité. Les jeunes ne veulent pas de cette société. J’ajouterais -sans faire de polémique dans cette période - ils n’aiment pas non plus cette France là, mais ils ne veulent pas la quitter. Ils veulent la changer.

Revenons un instant à la crise du CPE comme aux violences urbaines qui lui ont succédé et qui relèvent de la même analyse.

Nous devons construire des réponses de confiance, des réponses d’avenir pour les jeunes. Nul besoin d’un énième dispositif. La réponse doit désormais être globale et s’adresser à tous les jeunes (étudiants, chômeurs, jeunes en alternance).

Cette réponse c’est l’allocation d’autonomie et d’entrée dans la vie active, permettant aux jeunes de disposer de ressources stables et suffisantes, qu’il soit étudiant, en formation, avec un emploi précaire ou au chômage.

Cet engagement, vous le savez, j’y ai beaucoup travaillé dans le cadre de l’élaboration du projet socialiste, avec le Mouvement des Jeunes Socialistes en particulier. Mais il faut rendre à César ce qui est à César et je n’oublie pas que ce projet d’allocation autonomie ce sont les étudiants de l’UNEF, dès l’adoption de la Charte de Grenoble en 1946, puis avec l’allocation d’étude, qui l’ont porté les premiers.

Je sais que l’allocation autonomie répondra à de nombreuses et fortes attentes chez les jeunes. Non, l’état de jeune, n’est pas un passage, ce n’est pas une maladie comme le disent certains. C’est un moment où l’on construit son avenir et où chacun doit avoir la possibilité de le faire et de vivre sa vie.

La jeunesse, ce n’est pas : des jeunes des milieux favorisés, d’autres de milieux défavorisés, des lycéens, des apprentis, des bac+5 : c’est une seule et même génération qui ne veut pas qu’on brade son avenir.

Dans le même esprit, une France qui croit en sa jeunesse c’est aussi une France qui garantit le droit au premier emploi pour qu’aucun jeune ne reste au-delà de 6 mois sans avoir accès à une formation, un emploi aidé ou un tutorat rémunérés.

Il est grand temps d’apporter aux jeunes une réponse à la hauteur des problèmes dans lesquels elle se trouvent. C’est un véritable pacte de confiance qui doit être proposé aux jeunes, premiers acteurs de la société de demain et premiers héritiers de la société d’aujourd’hui.

Préparer l’avenir, c’est préserver l’intérêt des générations futures en assurant mieux la protection des générations présentes. Cela passe par des investissements en faveur de la formation et de la recherche, mais aussi par la valorisation de notre environnement.

Des solutions existent pour répondre aux aspirations de la jeunesse. Ces solutions je sais que vous les portez dans votre militantisme. Vous les développez d’ailleurs dans la lettre que vous remettez aux candidats à l’élection présidentielle.

Elles passent par la reconnaissance des diplômes et des qualifications sur le marché du travail pour rétablir l’ascenseur social aujourd’hui en panne, en décidant d’un investissement massif de l’Etat pour son école et pour son enseignement supérieur.

Elles passent également par la construction de logements étudiants et un plan pour l’accès de tous les jeunes à la santé.

Cela passe aussi comme je l’ai dit par la mise en place d’une allocation d’autonomie pour tous, par un véritable service public de l’orientation travaillant en lien étroit avec le service public de l’emploi, une professionnalisation des études ne répondant pas aux logiques de rentabilité immédiate, et par une réglementation des stages...

Permettez-moi d’ajouter : il faut reconnaître la culture des jeunes, toutes les cultures par des lieux de création, de répétition, de diffusion. C’est là aussi nécessaire pour préparer l’avenir.

Avec la victoire contre le CPE, la jeunesse a compris que l’action collective est porteuse de toutes les victoires. Et cela c’est en grande partie à l’UNEF et à sa capacité à unifier le mouvement social que nous le devons.

Les jeunes sont l’avenir, vous êtes l’avenir. Nous avons besoin de vous. De votre solidarité entre vous mais aussi des valeurs de solidarité, de générosité, de tolérance que vous portez. Ces valeurs que nous devons faire vivre à côté de chez nous mais aussi dans le monde avec un regard particulier vers le Sud.

Alors continuez à vous engager. Nous avons besoin de vous. Encore une fois, bienvenue à Lille et bons travaux !

 

> Nous devons construire des réponses de confiance, des réponses d’avenir pour les jeunes ! andré guidi
Message déposé le 3 septembre 2007.  

Excellente reconnaissance des mérites de l’UNEF, fer de lance des propositions pour la jeunesse si bien reprises dans le projet socialiste. Hélas, ce n’est pas sur ZSK qu’il faut compter pour les mettre en oeuvre. Restent la lutte syndicale et de nombreuses victoires de la gauche unie aux municipales de Mars 2008.

André Guidi, à Paris 7°