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"Répression n’est pas dissuasion", par Marylise LEBRANCHU et Adeline HAZAN.
La politique pénale est le bout de la chaîne républicaine, pas le maillon principal.
Tribune publiée dans les pages Rebonds de Libération, par Marylise LEBRANCHU, députée du Finistère, ancienne ministre de la Justice, et Adeline HAZAN, députée européenne, le 18 juillet 2007.
Le gouvernement utilise les procédures d’urgence pour donner vie à la promesse de Nicolas Sarkozy de « peines planchers ». Comme si l’arsenal juridique français était vierge de tout outil de répression, comme si la France était le pays du laisser faire ! Quel aveu d’échec !
Notre système pénal est parmi les plus répressifs qui soient : les peines d’emprisonnement vont jusqu’à dix ans, et même vingt ans en récidive. La réclusion criminelle à perpétuité est encourue pour tous les crimes les plus graves, les mesures de sûreté permettent de rendre une peine incompressible jusqu’à trente ans. La prescription a été reculée, pour certains crimes contre les enfants, jusqu’à vingt années après la majorité de la victime, et un régime renforcé a été instauré pour lutter contre la criminalité organisée et le terrorisme. Actuellement et depuis longtemps, tout récidiviste encourt le double de la peine d’un délinquant primaire.
Ce serait cela un pays permissif ? Dire, dans un tel contexte, que les juges n’ont pas les moyens en droit de lutter contre la délinquance, c’est tromper les citoyens. Dire que les délinquants ne sont pas mis en présence de peines dissuasives, c’est se tromper soi-même.
Mais qu’est-ce que la dissuasion en matière de criminalité ? Comment croire qu’un délinquant, au moment du passage à l’acte, se dira « attention, avec la loi sur la récidive je vais risquer le double de la peine auparavant encourue » ?
Les délinquants ne sont pas des criminologues et il est malheureusement à craindre que leur réflexion, au moment de l’infraction, si réflexion il y a, porte beaucoup plus sur les moyens de ne pas se faire prendre que sur la sanction. C’est pourquoi la peine n’est qu’un élément de la dissuasion, efficace surtout. avec les honnêtes gens !
Il est connu depuis longtemps que toute politique pénale est vouée à l’échec si elle n’intègre pas l’éducation, le respect de l’autre, si elle n’intègre pas de nombreux autres facteurs tels que la santé, l’urbanisme et l’emploi ; si elle ne donne pas à chacun le droit de pouvoir espérer en un avenir meilleur ? Comment faire croire qu’il faut respecter la loi si l’Etat ne l’a fait pas sur l’obligation de construction de logements sociaux ?
La politique pénale est le bout de la chaîne républicaine, pas le maillon principal. Dire qu’il faut encore durcir les peines encourues, c’est être aveugle devant le surpeuplement des prisons françaises. Le gouvernement sait-il lui-même l’impact de cette loi ? L’a-t-il estimé ? Qu’a-t-il prévu pour en tenir compte ?
Nos prisons, dont le Sénat, qui a voté les peines planchers, avait pourtant stigmatisé le déplorable état, sont plus que saturées : jamais on n’avait vu la population pénale dépasser 60 000 détenus, tout chiffre supérieur à 50 000 était déjà alarmant. Nous l’avons dépassé de 10 000 ! La prison est l’école de la récidive. La question est celle de la réinsertion, sans parler, bien sûr, que la privation de liberté doit devenir l’ultime recours quand une loi pénitentiaire permettra enfin le recours à des sanctions et peines efficaces. C’est une loi pénitentiaire restaurant la République dans les prisons qu’il nous faut.
Il faut redonner la dignité à ces citoyens français incarcérés. Maltraiter un détenu par ses conditions d’incarcération, c’est piétiner l’esprit républicain et l’espoir que la peine permette la réinsertion. Quel impact de la sanction si la République incarne une forme d’indignité ?
Les représentants des victimes, au sein de l’instance que j’ai eu l’honneur de présider personnellement pendant dix mois, tenaient à dissocier vengeance et justice pour justement lutter contre la récidive plutôt que de « taper fort » après le second acte, car s’il y a second acte c’est qu’il y a aussi seconde victime.
C’est la faute majeure de ce texte qui ne porte pas l’objectif premier : pas de seconde victime donc pas de récidive, c’est un texte « qui baisse les bras ».
Aucune leçon n’a été tirée de la fameuse loi américaine des « trois coups » (le troisième vol conduit à une très longue peine même si le produit du vol est une pizza) qui semble inspirer le gouvernement, et dont on sait qu’elle a conduit à la construction de plusieurs dizaines de prisons sans rendre plus sûre la société américaine, toujours en tête pour les morts violentes. Bel exemple américain, critiqué là-bas, qu’il faudrait retranscrire en France ?
Ancienne garde des Sceaux et ancienne magistrate, nous ne sommes ni angéliques, ni laxistes. Nous savons quel est le poids symbolique de la justice et son impact social. Il faut redire toujours à quel point il est dangereux de ne pas sanctionner le premier acte de petite délinquance parce que celui à qui on laisserait entendre qu’il n’aura pas de sanction, parce qu’il vit dans des conditions difficiles, serait comme exclu, puisqu’incapable de comprendre le sens de cette sanction ; il serait donc indigne de la République.
Mais la répression n’a pas comme seul corollaire l’incarcération plus nombreuse et plus longue ! C’est au nom de ce qu’incarne la justice pour la République qu’il ne faut pas voter ce texte inutile car il se trompe de cible. De plus il est dangereux, il remplira les prisons sans régler les problèmes.
S’il y a un consensus républicain à chercher, à trouver, c’est bien plus sur une loi pénitentiaire que sur des peines planchers. Madame la garde des Sceaux, plutôt que vous précipitez dans cette impasse, prenez le temps de la concertation avec les parlementaires et les professionnels.
C’est ainsi que nous ferons progresser notre République, pas autrement.
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> "Répression n’est pas dissuasion", par Marylise LEBRANCHU et Adeline HAZAN. | Lea |
Message déposé le 24 juillet 2007. | |
Très bien cette tribune... Mais je me demande si elle engage l’ensemble du PS ou seulement ses auteurs ? Je m’explique. Vous dites qu’il faut d’abord faire intervenir la politique d’éducation, d’urbanisme, etc. avant la politique pénale. Seulement, pendant la campagne électorale, LA mesure à défendre sur la question de l’insécurité était l’encadrement militaire des jeunes délinquants. Pas très logique, non ? Comme ça, en tant que militante, je suis supposée changer de philosophie au fil des mois ? Et ce n’est qu’une contradiction parmi beaucoup d’autres... Par ailleurs, en ce qui concerne la loi pénitentiaire que vous appelez de vos vœux, elle figurait déjà dans le projet socialiste (p. 71) et le pacte présidentiel (mesure n°58). Dommage que cette mesure importante visant à humaniser les prisons ne vienne sur le tapis que maintenant. Peut-être que certains dirigeants de notre parti pensaient que de défendre trop haut les délais butoirs à la détention provisoire, les alternatives à la prison ou la hausse des moyens pour améliorer les conditions de détention, ne seraient pas très populaires et pourraient avoir des conséquences néfastes sur le résultat de la présidentielle ? Voilà qui est bien dommage... |
> "Répression n’est pas dissuasion", par Marylise LEBRANCHU et Adeline HAZAN. | Paul Levinson |
Message déposé le 23 juillet 2007. | |
Cheres Camarades J’attendais l’expression Publique de MLL. Bien sur vous avez peu de moyens pour faire l’analyse d’impact qui est absente des motifs. Il faut pouvoir quantifier les efforts financiers nécessaire à contenir la délinquance. Nos concitoyens sont très friands de baisse d’impôts, mais incapables d’exiger une politique pénale décente ; d’autant qu’il semble que ce type de lois concerne majoritairement la fraction défavorisée de nos concitoyens. Persuader qu’un éducateur bien formé, motivé, et bien encadré est plus utile que ces lois poudre aux yeux. En persuader Rachida Deti est urgent, elie doit avoir les arguments, si elle ose se réveiller. |